Retour à Séoul

Au cinéma le 25 janvier 2023

© Les films du Losange

On empêche Freddie (Park Ji-min), étudiante française de 22 ans, de se servir de l’alcool. En Corée, cet acte est considéré comme une insulte car prouvant que proches et amis ne prennent pas soin de vous. Freddie répond alors par un rictus et remplit son verre avec nonchalance. Quelques jours plus tard, elle rencontre sa famille biologique coréenne.

Retour à Séoul construit et entrelace deux portraits : celui de la foisonnante capitale coréenne et de son personnage principal antipathique et en quête de ses origines. Si la découverte presque touristique de la Corée paraît prévalente, ce sont bien les tourments bouillonnants de Freddie qui parasitent peu à peu l’esthétique du film. Des ruelles tortueuses de Séoul à la précarité humide de la petite ville de Gusan, des teintes bleutées mélancoliques aux couleurs charnelles étouffantes, le réalisateur Davy Chou nous fait découvrir toute la richesse de ce pays pour mieux suivre les errances de son personnage. Il évite aussi les extrêmes faciles d’une naïveté infantile comme d’un misérabilisme malsain et fait apparaître la Corée dans toutes ses contradictions, ses impasses et ses promesses.

Freddie est un être écorché car paradoxal, incapable de pardonner à sa famille biologique sans pouvoir les quitter. Chacun de ces parents démontre et accentue la déchirure profonde de cette héroïne : son père (Kwang-rok Oh) en lui imposant un amour motivé par une culpabilité pathétique ; sa mère (Choi Cho-woo) en refusant de la revoir et la condamnant à un abandon autodestructeur. Comment exprimer un tel drame avec justesse ? Davy Chou surprend et empêche ses personnages de communiquer, muselés par de cruelles barrières linguistiques. Freddie ne maîtrise pas le coréen tandis que ses parents ne connaissent ni le français ou l’anglais. Le regard, le mouvement et la musique priment, surtout lors de ces séquences de danse où les émotions refoulées menacent de déborder et appuient la violence détestable de ses personnages, son protagoniste en tête.

Davy Chou aborde son intrigue presque de côté, posant plus de questions qu’il n’y répond, où des émotions riches et complexes ne peuvent trouver une expression claire. Il malmène ses spectateurs avec des ellipses temporelles brutales et des disparitions soudaines de personnages-clés, comme incapables de soutenir Freddie dans sa quête désespérée de reconnaissance. La composition et le montage brouillent aussi les repères et s’attachent souvent plus aux grands espaces vides et aux hors-champs qu’aux visages de ses héros, magnifiant la confusion douce-amère de son héroïne.

Retour à Séoul se pose en expérience riche, parfois frustrante mais toujours au service d’un drame sensible et saisissant, où la force de ses personnages se conjugue avec le charme de leur pays. Suivre la vie tumultueuse de Freddie est un voyage envoûtant qui, au prix de ne pouvoir convaincre un large public, prouve sa force dans son expression subtile de sentiments brisés, de ses personnages muets qui ont envie de hurler, de son retour perpétuel en ces terres lointaines et hors du temps.

Retour à Séoul / de Davy Chou / avec Park Ji-min, Kwang-rok Oh, Louis-Do de Lencquesaing / 1 h 58 / France / sortie le 25 janvier 2023

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