Imaginary

Actuellement au cinéma

© Metropolitan FilmExport

Au début des années 2000, la modeste société de production Blumhouse opère un véritable braquage sur l’industrie cinématographique et son versant horrifique en imposant un modèle économique inédit : des films à très petits budgets, tournés en un temps record et si possible dans un décor unique. L’idée astucieuse est d’ainsi pouvoir multiplier les paris tout en limitant les risques, jusqu’à ce que l’un d’eux se révèle payant. Une vingtaine d’années plus tard, force est de constater que la recette apparait usée, et cet Imaginary est une nouvelle fois l’occasion d’en prendre la mesure.

Autrice de livres jeunesse, Jessica emménage dans sa maison d’enfance avec son compagnon et ses deux belles-filles. Alice, la plus jeune, se lie d’amitié avec un ours en peluche du nom de Chauncey. Au départ innocents, leurs jeux vont petit à petit prendre une tournure de plus en plus inquiétante, et réveiller chez Jessica des souvenirs traumatiques enfouis au plus profond de sa mémoire. Comme souvent chez Blumhouse, la réussite du film réside moins dans sa capacité à déplacer son spectateur par le récit que dans celle consistant à exploiter les potentiels d’un concept fort. Ici, donner aux puissances de l’imaginaire enfantin, incarnées dans la figure d’un jouet inoffensif, la tâche de susciter l’effroi.

Peu imaginatif – n’en déplaise à son titre – Imaginary s’inscrit paresseusement dans la longue lignée de films aux jouets tueurs, de l’excellent Dolls (1987) au carton récent M3GAN (2022), en passant par le cultissime Child’s Play (1988). Le long-métrage déroule de la sorte un scénario balisé, enchainant les poncifs et systématiquement à la traine sur son spectateur qui attend péniblement que les personnages le rattrapent sur l’intrigue. Pire encore, Wadlow croit bon d’ajouter à sa galerie de personnages celui d’une vieille voisine clairvoyante, avatar improbable du scénariste, qui passe son temps à expliquer oralement ce qui se déroule sous nos yeux.

Autre scorie importante : le film ne fait jamais, jamais, jamais peur. On a bien ça et là quelques jump scares, astuces faciles pour nous faire sursauter, mais le cinéaste persiste à évacuer la violence et l’horreur de toutes ses scènes, sacrifice nécessaire à l’obtention d’une interdiction aux moins de douze ans. Débarrassé de sa prétention à nous faire frémir, ne reste alors d’Imaginary qu’un mauvais Disney, se complaisant dans une idéologie conservatrice martelant le caractère sacré de la famille. A la fin, la vertueuse belle-mère aura finalement gagné l’amour de ses belles-filles et, main dans la main, elles auront conjuré leurs traumatismes grâce au pouvoir merveilleux de l’imaginaire…

De Jeff Wadlow / Avec DeWanda Wise et Tom Payne / 1h45 / U.S.A/ Sortie le 6 mars 2024.

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