Nome

Actuellement au cinéma

© The Dark

“En Guinée libre, il n’y aura pas de Messieurs. Ni blancs, ni noirs” : si Nome a trait à une désillusion, c’est bien autour de cette promesse égalitaire, martelée fièrement par les guérilleros du PAIGC (Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée) pendant la guerre. Contrairement à Sambizanga, qui prenait à bras le corps l’oppression portugaise subie par le peuple et les résistants dans un naturalisme rude mais in fine optimiste, Sana Na N’Hada oppose désormais un regard contemporain, débarrassé de l’espoir et gagné par une triste ironie.

Débutant comme un conte onirique marié à une chronique rurale légère avant de bifurquer vers le film de guerre puis le simili heist-movie, Nome est dur à définir et ne cesse de se bâtir autour d’irrégularités, qui poussent la narration au second plan et redirigent notre regard vers ses protagonistes. Sana Na N’Hada convie un certain héritage de Sarah Maldoror autour des visages, ceux de Raci et Nambu, qu’il se plaît autant à filmer que ceux de Domingos et Maria en leur temps. Fil rouge d’un récit parallèle sur plusieurs années, le couple évolue séparément et inversement : lui, jeune incapable devenant résistant puis tyran, elle, femme téméraire devenant mutique et effacée.

Constat d’un pays maintenant replié sur lui-même par peur ou individualisme, Nome abolie peu à peu l’horizon pour regarder vers l’arrière. Sa jonction constante entre images d’archives – tournées par le cinéaste à l’époque – et fiction participe elle aussi d’une certaine affliction. Le passé fait ainsi irruption dans la reconstitution, parasite la facticité des séquences de guerre via des images réelles ou impose, lors de la Libération du pays, un montage empli de sarcasme, dans lequel le capitalisme revient balayer les beaux serments. Certains verront dans ce recours à l’archive une pure décoration ou un aveu d’échec de la fiction, mais Nome les fait pourtant évoluer conjointement, créant de la sorte un dialogue entre l’Histoire et sa propre forme.

Nome / De Sana Na N’Hada / Avec Marcelino António Ingira, Binete Undonque, Marta Dabo / 1h52 / Guinée-Bissau, France, Portugal, Angola / Sortie le 13 mars 2024.

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