
« Un match de tennis c’est comme une relation », affirme Tashi Duncan (Zendaya). Mais Luca Guadagnino le filme plutôt comme un rapport : son échauffement, son va et vient – pause, verre d’eau, et on reprend – ses échanges, ses cris et ses points.
Le réalisateur fait une analogie entre le tennis et l’acte charnel. Muscles contractés, sueur qui perle, cheveux décoiffés et tics avant de se lancer : Guadagnino stylise à l’extrême le sport et fait de ses joueurs des statues grecques du mouvement. Aux physiques et aux caractères différents, Patrick (Josh O’Connor) et Art (Mike Faist) incarnent deux types de sensualité masculine distinctes, sans jamais qu’elles soient caricaturales. Finalement, la moins lascive est celle qui est désirée par tous : Tashi. Car elle veut pas d’un corps mais d’un corps qui gagne. Pour réussir à la faire crier, il faut garder les doigts bien serrés autour du manche de la raquette. Il est toujours question de tennis.
La jeune femme manipulatrice monte les deux joueurs l’un contre l’autre pour enfin assister à un match digne de ce nom. Celui qu’elle aurait voulu gagner si elle ne s’était pas blessée. Mais à défaut de pouvoir jouer, elle peut encore baiser. Toujours placée entre les deux hommes, elle absorbe leurs envies et dirige leurs ambitions. Après la douce mélancolie de la découverte amoureuse dans Call me by your name et le récit sincère des poussées d’hormones dans We are who we are, le cinéaste filme les transferts du désir ; entre trois personnages, trois époques, trois tournois.
Guadagnino associe dès les premières minutes une musique rythmée (Trent Reznor) aux séquences de tennis, comme si le court était une piste de danse, où l’on irait pour se défouler, autant que pour séduire, et où les spectateurs observeraient en rythme. Mais alors que Challengers progresse, la musique envahit bientôt les autres interactions. Toute conversation est un match, toute relation est un affrontement. Quand n’est-il pas question de tennis ?
Le cinéaste met en scène le sport avec une certaine part de vraisemblance (les acteurs ont le physique pour et leurs mouvements sont réalistes) mais aussi, et surtout, sous un angle purement cinématographique. Il filme le court sous toutes ses coutures. La pléiade d’effets, parfois gratuits, confère néanmoins à ces séquences une réalité physique. On prend conscience de l’espace délimité par les lignes blanches et des corps qui s’agitent des deux côtés du filet. La caméra est comme un troisième participant : dedans, dehors, devant, derrière, dessus, dessous. En prenant le parti d’éclater ainsi les points de vue sur un match et de le filmer depuis l’intérieur, Guadagnino en casse le rythme intrinsèque pour lui donner une dynamique complètement nouvelle. De toute façon, était-il vraiment question de tennis ?
Challengers / De Luca Guadagnino / Avec Zendaya, Mike Faist et Josh O’Connor / 2h11 / États-Unis / Sortie le 24 avril 2024.
Une réflexion sur « Challengers »