Hamilton

Victoria Palace Theatre

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David Digs (Marquis de Lafayette), Okieriete Onaodowan (Hercules Mulligan), Anthony Ramos (John Laurens) et Lin-Manuel Miranda (Alexander Hamilton) © Joan Marcus

Que vous soyez féru de comédies musicales ou qu’elles vous agacent, vous avez forcement été confronté au phénomène Hamilton à un moment ou un autre. Si non, voila l’opportunité de vous rattraper.

In The Heights, la première comédie musicale de Lin-Manuel Miranda avait déjà connu un succès notable en 1999, mais rien de comparable au séisme Hamilton. Pour vous donner un ordre d’idée, les quelques billets disponibles pour la pièce valent entre 475$ et 849$. Pour la dernière performance de Lin-Manuel Miranda, qui interprétait Alexander Hamilton, ils revenaient à pas moins de 3000$ chacun. La comédie musicale, sur laquelle les critiques sont unanimes, et qui a obtenu le plus grand nombre de nominations aux prestigieux Tony Awards (16 nominations dont 11 récompensées d’un prix) rapporte environ 3,5$ millions par semaine, un record à Broadway.

Alors de quoi parle cette comédie musicale miraculeuse, qui a enchanté Broadway dès 2015 et fait ses débuts à Londres cette année. L’attrait du public pour cette pièce est pourtant paradoxal étant donné son sujet : Alexander Hamilton, l’un des « Founding Fathers » américains. L’homme dont le visage figure sur le billet de 10$ est un immigrant qui devient le bras droit de Washington avant d’être le secrétaire du Trésor des Etats-Unis. Si il est relativement peu connu (ou du moins l’était, avant l’exposition médiatique mondiale de la comédie musicale) il a aussi grandement participé à l’écriture de la constitution américaine et à la création de son système financier et banquier. L’histoire d’un homme politique semble difficilement se prêter à une comédie musicale, c’est pourtant un des éléments qui fait d’Hamilton un « hit » sans égal. Avec l’aide de l’historien Ron Chernow, Lin-Manuel Miranda sert une histoire politique par la musique « de rue », qu’il amène au coeur des théâtres. Hip-Hop, Rap et RnB permettent de donner réellement toute son importance aux mots utilisés, un des éléments clefs du personnage d’Hamilton, qui parvient à se faire connaitre grâce à sa plume. Dans un second temps, tous les personnages blancs sont interprétés par des acteurs de couleurs, donnant un sens plus moderne et vaste à la notion d’immigrants. Une nouveauté à Broadway où la couleur de peau des acteurs est toujours représentative d’un type de personnage précis ou d’une minorité. Hamilton est donc composé d’un casting peu commun, la compagnie originale comprenait, en plus de son créateur, les incroyables Daveed Diggs (Wonder, 2017), Leslie Odom Jr. (Le Crime de l’Orient Express, 2017), Renee Elise Goldsberry, Phillipa Soo (Amélie, 2017) et Jonathan Groff (Mindhunter, 2017) qui ont vu leur popularité monter en flèche après leur participation à la comédie musicale. Une ode au théâtre et à sa capacité d’innover, l’oeuvre sur la révolution révolutionne considérablement la scène musicale américaine. Beaucoup affirment qu’il existe le monde du théâtre pré-Hamilton et post-Hamilton.

La comédie musicale est un tel prodige que déjà deux heures avant le début de la représentation, la queue pour entrer dans le théâtre Londonien fait le tour du bâtiment. La boutique souvenir est prise d’assaut et chacun cherche à ramener une preuve de sa présence à l’événement. Dans la salle les fans admirent leurs programmes et guettent les célébrités présentes dans la salle. La pièce a débuté il y a peine une semaine au Victoria Palace Theatre à Londres mais la majorité du public connait déjà toutes les chansons par coeur, au mot près. Une demi-heure avant le début, la salle est déjà bondée, la tension et l’excitation sont palpables. Les derniers arrivants prennent rapidement une photo de la scène et de la salle qui a été spécialement rénovée et reconstruite pour accueillir la pièce. Dès lors que les lumières s’éteignent une clameur envahit le théâtre. Les premières notes retentissent et tout le monde retient son souffle. Les personnages apparaissent, un par un sur scène, sous les applaudissements du public, et récitent les rimes rythmées et subtiles de Lin-Manuel Miranda. Enfin, l’homme de la soirée fait son apparition, le jeune Jamael Westman, tout juste sorti de son école de théâtre, joue un Hamilton fière et intrépide. L’orchestre est obligé d’interrompre la musique pendant quelques secondes le temps que les applaudissements et hurlements cessent. La première chanson touche à sa fin et déjà la salle semble conquise. Chacun se tourne vers son voisin pour dire que oui, cela répond bien à leurs attentes ou qu’ils approuvent le choix des nouveaux interprètes. En plus du parfait Jamael Westman, le casting Londonien comprend en effet Michael Jibson qui brille dans le rôle de King George III, l’impressionnant Obioma Ugoala incarne George Washington, Tarinn Callender et Cleve September sont impeccables en révolutionnaires. L’excentrique et hilarant Jason Pennycoke joue Lafayette/Jefferson et Rachel Jones est sensationelle dans le rôle Angelica. Seul hic, Sifiso Mazibuko, la doublure de Giles Terera, incarne Aaron Burr ce soir pour la première fois et se trompe dans quelques chansons, oubliant les paroles. Des petites erreurs probablement dues à l’angoisse qui, on l’espère, ne devraient plus se reproduire. Le spectacle suit alors son cours et tout semble assez irréel. Le public est comme happé, pas un bruit dans la salle.

La pièce est délicatement politique et sociale : un hymne au président de l’époque, Barack Obama – un appel à continuer d’écrire, parler et s’indigner sous le gouvernement de Trump. Le public, relativement jeune, rappelle l’attrait de ce style de musique pour les générations récentes et peu habituées à aller au théâtre. L’acteur Bryan Cranston (Breaking Bad, 2013) affirmait, lors de la première de la pièce à Londres, que l’une des plus grandes réussites de Miranda est d’avoir « tendu la main aux jeunes en leur disant qu’eux aussi étaient bienvenus au théâtre ». Même ceux qui se considèrent comme allergiques au rap ne peuvent que se laisser tenter, Hamilton est une oeuvre tellement singulière et fascinante qu’elle réussi à toucher une variété incroyable de personnes. Entre littérature classique et culture populaire, le champ des sources d’inspiration de Lin-Manuel Miranda est vaste. Ses paroles, aussi bien reprises comme slogans dans des manifestations anti-Trump, qu’en devises personnelles, sont comprises par chacun à sa manière. Il s’agit d’une pièce universelle mais aussi incroyablement personnelle qui peut plaire et se lire à plusieurs niveaux, un engagement aussi bien politique, social, musical et artistique. Si le côté musical est remarquable, la mise en scène est tout aussi ingénieuse. Seules les chorégraphies peuvent parfois laisser à désirer, composées uniquement de gestuelles assez pauvres visants à accompagner l’histoire.  même si au final elles se fondent dans l’ensemble et n’entachent pas l’oeuvre globale.

Aller voir Hamilton à Londres ou Broadway est réellement une expérience presque religieuse pour les nombreux fans de la comédie musicale, mais aussi une découverte marquante pour les rares qui y vont sans savoir à quoi s’attendre. Aller voir Hamilton c’est avoir cette impression de participer à l’histoire en mettant les pieds dans la salle. Malheureusement si c’est une pièce à ne surtout pas manquer, il est presque impossible d’obtenir des billets, (les pré-ventes pour les premières représentations de janvier avaient lieu un an à l’avance). Si vous n’avez donc pas déjà une place réservée, il vous faudra prendre votre mal en patience et être aux aguets lors des prochaines reventes. Si vous faites partie des plus motivés et êtes prêt à attendre tôt le matin, vous pouvez aussi vous rendre directement sur place pour la loterie et les « day tickets » (à Londres, tous les jours un tirage au sort a lieu pour gagner des places à un prix très réduit au premier rang, en plus de quelques places pour le soir même, vendues aux premiers venus à seulement 10£ au théâtre). Si c’est une aventure mouvementée pour parvenir à y assister, on vous garantit que vous ne serez pas déçus. Drôle, touchante, puissante, pertinente, surprenante… Les adjectifs manquent pour parler de celle que certains qualifient comme l’œuvre la plus importante de la décennie, voire du siècle.

Hamilton / Ecrit et composé par Lin-Manuel Miranda / Mise en scène de Thomas Kail / Avec Jamael Westman, Rachel Ann Go, Michael Jibson, Jason Pennycooke, Obioma Ugoala / A partir du 21 décembre 2017 au Victoria Palace Theatre.

Auteur : Chloé Caye

Rédactrice en chef : cayechlo@gmail.com ; 31 rue Claude Bernard, 75005 Paris ; 0630953176

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