
Grâce au programme de captation NTLive, dont le National Theatre est à l’origine, de nombreuses pièces jouées à Londres sont filmées et rediffusées dans des cinémas partout dans le monde. Cette production d’Hamlet, jouée au Barbican en 2015, a tout pour plaire. Une pièce populaire avec Benedict Cumberbatch en tête d’affiche : en à peine quelques heures toutes les représentations sont déjà complètes.
C’est donc presque gagné d’avance pour le Barbican; Une mise en scène classique et sans prise de risque aurait permis à la pièce d’obtenir de bons retours de la presse, en plus d’une salle pleine à craquer tous les soirs. Mais la metteur en scène Lyndsey Turner ne choisit pas cette option de facilité. Elle ne se contente pas de restituer fidèlement le texte mais lui rend justice par le biais d’une mise en scène majestueuse. Le meilleur terme pour définir cette dernière c’est peut être : complète. D’un point de vue d’abord purement matériel, elle occupe réellement tout l’espace disponible. Elle n’hésite pas à s’approprier complètement la scène, avec l’aide d’Es Devlin, chargé de la conception du décor. On y trouve au début une salle richement décorée, au milieu de laquelle se dresse une table immense, jonchée de plantes mortes décoratives, d’animaux empaillés et d’ossements. Au fil des heures, la scène se vide et la nature l’envahit, avant qu’il n’en reste, finalement, plus que des cendres.
Cette décomposition est, dans un second temps, accompagnée d’un travail remarquable sur le son et la lumière, parfois tout deux presque mystiques mais toujours présents. C’est grâce à la création, dès les premières minutes, de cette ambiance inquiétante, que Lyndsey Turner donne à l’univers d’Hamlet une portée terrifiante. Elle insiste effectivement sur l’atmosphère de féerie cauchemardesque inhérente à la pièce. Une couleur verte terne est presque constamment représentée, rappelant le déclin de toute vie saine mais aussi le thème du fantastique soulevé par la pièce. La mise en scène permet donc subtilement de matérialiser cette dualité entre réel et imagination au coeur de l’oeuvre. La figure centrale d’Hamlet, c’est aussi Benedict Cumberbatch (Sherlock, The Imitation Game, Doctor Strange) qui livre une performance magistrale, aussi bien en tant qu’enfant pétrifié par le chagrin et la peur, qu’en adulte révolté et en quête de réponses. Il interprète avec justesse un personnage touchant qui lutte pour sa survie avec à ses côtés Siân Brooke, en sublime Ophelia. Réel blockbuster théâtral, la pièce est faite pour impressionner et c’est avec intelligence qu’elle parvient à ne pas tomber dans l’excès. Cette version du Barbican reste donc certainement l’une des adaptations les plus marquantes visuellement de la célèbre oeuvre.
Hamlet / De William Shakespeare / Mise en scène de Lyndsey Turner / Avec Benedict Cumberbatch, Siân Brooke, Leo Bill, Anastasia Hille, Karl Johnson / Du 5 août au 31 octobre 2018 au Barbican Theatre et sur NTLive.