
Après Les Damnées en 2016 puis La Règle du Jeu en 2017, La Nuit des Rois ou Tout ce que vous voulez est la pièce coup de poing de la Comédie-Française cette année. La maison semble habituée à cette production qui, tous les ans, reçoit éloges ou blâmes pour son détournement des conventions. On s’attend donc à tout en allant voir l’adaptation de la pièce de Shakespeare par Thomas Ostermeier. Le metteur en scène Allemand qui avait déjà fait un éclat avec ses mises en scène de Hamlet ou Richard III revient avec cette nouvelle production phare.
Plage de sable, néons lumineux et palmiers en carton : une esthétique aussi paradisiaque que superficielle. Thème récurrent dans la pièce mettant en scène Viola, jeune femme naufragée qui décide de se travestir en homme, avant de tomber amoureuse du duc qu’elle sert. Ce quiproquo d’apparence crée chez les personnages des doutes quant à leur orientation sexuelle et permet au metteur en scène d’insister sur l’aspect physique dans la relation amoureuse. Relation amoureuse qui, elle même, ainsi que sa représentation, sont ici décortiquées. Notre perception des autres devient tout aussi complexe que l’apparence que ces derniers souhaitent se donner. Mais sous tout cet exhibitionnisme, l’homme reste avant tout un animal. Cette mise à nue (littéralement) est contrastée par cette réflexion sur la mise en scène de notre sexualité. Ainsi, la pièce se construit sur cette contradiction, opposant nudité à costumes outranciers ou musique classique à techno grossière. A travers une mise en abyme constante, la pièce met un point d’honneur à démontrer que tout n’est que spectacle. Cette façade devrait-elle cependant influencer nos désirs, c’est là tout le principe du jeu de La Nuit des Rois. Cette thématique est par ailleurs portée brillamment par les comédiens de la Comédie-Française, parmi lesquels on retrouve Laurent Stocker, Adeline D’Hermy, Christophe Montenez ou encore Sébastien Pouderoux, plus déjantés que jamais.
Ode au kitsch et défilé de mauvais goût, la pièce fait presque penser à un plateau de télé-réalité, sur lequel histoires incongrues et vulgarité sont les véhicules premiers de l’intrigue. Ce mythe du faux et du beau traité avec folie nous donne un éclairage intéressant sur la pièce et crée un divertissement efficace. Pas d’entre deux pour Thomas Ostermeier, qui maintient sa vision jusqu’au bout, avant d’achever son oeuvre sur une scène, sans doute la plus réussie, qui encapsule parfaitement l’intérêt de l’oeuvre. Cependant, on ne vas pas voir La Nuit des Rois tant pour la pièce en elle-même que pour sa mise en scène. Cette dernière semble auto-suffisante, presque prétentieuse et elle est si imposante que le texte y devient un simple prétexte.
La Nuit des Rois ou Tout ce que vous voulez / De William Shakespeare / Mise en scène de Thomas Ostermeier / Avec Laurent Stocker, Georgia Scalliet, Christophe Montenez, Denis Podalydès, Adeline D’Hermy, Sébastien Pouderoux / Du 22 septembre au 28 février 2019 à la Comédie-Française.
Une magnifique pièce sublimée par la mise en scène d’Ostermeier.
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