
Quelques jours après l’événement organisé autour de la venue de Jeff Goldblum, le Champs-Elysées Film Festival a marqué les esprits en invitant Christopher Walken, pour des présentations de séances et une masterclass. Devant une salle comble et impressionnée, l’acteur s’est confié sur sa carrière. Petit parcours de sa filmographie à travers des citations choisies.
Christopher Walken a tout d’abord commencé sa carrière en tant que danseur. « Au départ, je dansais dans des comédies musicales à Broadway et en tournée aux Etats-Unis. Mais une carrière de danseur, comme celle d’un athlète, ne peut pas durer indéfiniment. C’est un peu par accident que j’ai obtenu mon premier rôle au théâtre. Et ensuite, les pièces se sont enchaînées. » Ça paraît si simple… Des cinéastes ne tardent pas à lui offrir, dès ses débuts, des rôles consistants, à commencer par Woody Allen avec Annie Hall (1977). Mais son premier grand rôle arrive l’année suivante, dans Voyage au bout de l’enfer (The Dear Hunter) de Michael Cimino. Christopher Walken retient du tournage la très bonne entente du groupe d’acteurs – Robert De Niro, John Cazale, Meryl Streep, John Savage. « Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, deux semaines avant le tournage. C’est rare de le faire car c’est très coûteux, mais c’était essentiel pour que l’on se sente comme des amis. » Il raconte aussi avoir puisé l’intensité de son jeu dans ses souvenirs d’enfance. «Je repensais au mal-être qui m’envahissait lorsque mes parents m’emmenaient en colonie. Même si elle n’avait lieu qu’à 150 km de chez moi, c’était comme partir sur une autre planète. Ma maison me manquait. » Ce rôle décisif et fondateur chez Cimino, suivi en 1980 par un autre dans La Porte du paradis (Heaven’s Gate), impose Christopher Walken parmi la nouvelle génération d’acteurs américains dans les années 1980. Une décennie qu’il marque avec des rôles très singuliers. Il joue ainsi dans Dead zone de David Cronenberg, sorti en 1983. On apprend que Stephen King lui a dit que c’était l’une des adaptations de ses livres qu’il préférait, et que les réactions de surprise des personnages dans le film sont provoqués par de réels coups de feu tirés sur le tournage…
La masterclass se prolonge, les grands moments de sa vie de cinéma sont passés en revue. Beaucoup d’anecdotes lui viennent en tête. Questionné sur sa composition du méchant Max Zorin dans l’opus de James Bond Dangereusement vôtre (A View to a Kill en VO, film de John Glen réalisé en 1985), il s’attarde volontiers sur l’importance de la couleur de cheveux de son personnage, teint en blond. Et à propos d’At Close range (Comme un chien enragé) de James Foley avec Sean Penn, il raconte cette aventure extra-cinématographique qui a tout d’une scène de film : « Je rencontrais souvent Sean Penn en boîte de nuit. On a appris à se connaître, et nous faisions des kilomètres dans sa camionnette. Un jour, Sean Penn a semé un barrage de police… juste pour vivre l’expérience de se faire arrêter. Uniquement pour voir ce que ça fait d’être un hors-la-loi ! »

Si Christopher Walken n’est jamais passé à la réalisation (enfin si, une fois, mais il déconseille le visionnement de son court-métrage Popcorn Shrimp, une commande de la chaîne HBO en 2001), on imagine à quels cinéastes il aimerait ressembler. Deux personnes avec qui il a travaillé, et dont il admire le processus de création : Quentin Tarantino et Abel Ferrara. Il loue les talents d’écriture du premier : « Les scénarios de Quentin Tarantino sont écrits avec une extrême précision. Ma scène dans Pulp Fiction correspondait à une dizaine de pages, j’ai répété trois ou quatre mois pour tout connaître par cœur. Tous les mots du script sont dans le film, pas un de plus, pas un de moins. » Quant à Abel Ferrara, « il est très différent. Si j’étais cinéaste, j’aimerais avoir la même liberté que lui lorsqu’il tourne. Pendant le tournage d’une scène, il peut très bien entrer sur le plateau pour bouger un accessoire, il nous parle. Les erreurs et les accidents de tournage profitent beaucoup à ses films. C’est l’inattendu, c’est la vie. Au montage, il garde tout ce qui va créer la cohérence du film, et le spectateur ne voit pas à quel point le tournage est brouillon. Il saisit le chaos pour faire un film d’une grande clarté. C’est la marque des grands réalisateurs. » Ils tournent quatre films ensemble : The King of New York (1990), The Addiction (1995), Nos funérailles (1996) et New Rose Hotel (1998).
Les années 2000 marquent un virage dans la carrière de Christopher Walken. Celui qui était accoutumé aux rôles plutôt sombres devient un habitué des comédies. Un choix conscient ? « On m’a proposé beaucoup de rôles comiques après mes passages dans l’émission Saturday Night Live. Cela montre à quel point la télévision peut être puissante, elle a le pouvoir de changer beaucoup de choses… De fait, elle a changé ma carrière. Ce n’est pas vraiment un choix. Je ne suis pas sur que ce soit une bonne chose, mais c’est ce qui s’est passé. » D’ailleurs, on dit qu’il n’a jamais refusé un film. Une légende ? « Je n’ai pas d’enfant, pas de hobby, je ne voyage pas, je ne fais rien ! Alors c’est vrai, je n’ai refusé aucun rôle. J’ai peut-être fait des mauvais films, mais travailler dans le cinéma c’est être optimiste, toujours espérer que le film sera bien. » Sinon, quel que soit le film, sa méthode pour appréhender les scénarios reste la même. « J’aime bien lire deux scénarios en même temps. Souvent, je lis un script dans ma cuisine et je prépare à manger en même temps. C’est intéressant de faire deux choses à la fois, la distraction est bénéfique. Aussi, je lis de nombreuses fois le scénario, afin de repérer d’infimes détails. C’est comme lorsque l’on côtoie une personne depuis longtemps : à force de passer du temps avec elle, on repère des détails qu’elle ne soupçonnait même pas. »
Merci pour ce partage passionnant sur cet immense acteur. On garde en mémoire ses rôles puissants, son jeu intense et habité.
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