Au bout du monde

Au cinéma le 23 octobre 2019

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©Eurozoom
Yoko, une jeune journaliste japonaise, est chargée par sa chaîne de télévision de tourner un reportage sur l’Ouzbékistan. Elle et son équipe cherchent au jour le jour des sujets à filmer, errant d’un endroit à un autre à travers le pays. Mais la pression imposée par ses collègues et le dépaysement qu’elle ressent dans des endroits peu familiers lui pèsent de plus en plus.

Tout occidentale que soit cette référence, difficile de ne pas voir dans Au bout du monde un Lost in Translation inversé : là où, dans le film de Sofia Coppola, Bill Murray déprimé perdait tous ses repères une fois plongé dans l’univers tokyoïte, Kiyoshi Kurosawa nous montre ici comment une Japonaise se trouve dans une situation similaire hors de son pays. Yoko ne parle ni ouzbek, ni anglais ; Temur, son improbable interprète nippophile, est son seul moyen d’interagir avec ce monde inconnu. Et sa communication avec ses compatriotes n’est pas beaucoup plus développée, tant ceux-ci sont concentrés sur leur travail, comme insensibles aux bouleversements qui, chez elle, sont ressentis de façon exacerbée.
Comme il l’avait déjà fait avec Tokyo Sonata en 2008, Kiyoshi Kurosawa s’éloigne du film de genre qui constitue habituellement son domaine de prédilection pour s’intéresser à une histoire simple, étudiée au quotidien. Il en résulte un enchaînement de scènes qui mêlent humour et contemplation, sensible et séduisant dans sa lenteur. Le réalisateur réussit à porter un regard amusé et compatissant sur son personnage, dont on partage les craintes tout en reconnaissant leur absurdité. Percevant chaque regard et chaque parole comme hostile, parfois à raison, souvent à tort, Yoko souffre de son isolement, de son incapacité à communiquer, des façons de penser et de vivre qui diffèrent tant de ce qu’elle connaît.
Mais si l’émotion naît facilement de cette poésie du dépaysement, un autre enjeu surgit étrangement en cours du film, absent dans sa première partie, et qui peine à emporter le spectateur : la passion du chant, refoulée chez Yoko, qui dans ce contexte cherche à se manifester. Quelques envolées lyriques, au sens tout à fait littéral du terme, viennent se greffer au récit ; et sans sonner tout à fait faux, elles semblent appartenir à une autre histoire, allongeant un film qui fait déjà le choix de prendre son temps.
Heureusement, cette déroutante superposition ne nuit pas au propos, et l’on reste séduit par le trajet de Yoko. Son itinéraire démontre l’échec du contact entre les cultures lorsqu’il se fait artificiellement par l’intermédiaire d’un reportage télévisé sans ambition, autocensuré par la crainte de perdre l’attention d’une audience jugée limitée. L’échange véritable se fait hors de ce cadre professionnel, dans cette histoire qui nous est contée par le film. Car Au bout du monde est aussi, malgré sa douceur, une affirmation de la supériorité de l’art et du cinéma sur les médias incapables d’atteindre sa profondeur.
Au bout du monde / De Kiyoshi Kurosawa / Avec Atsuko Maeda, Ryo Kase, Shota Sometani / Japon – Ouzbékistan – Qatar / 2h / Sortie le 23 octobre 2019.

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