
Le film de survie, ou survival, est autant prisé par les cinéastes que le public. Garant d’une dose d’action et d’un dépaysement certain, il revêt les couleurs du film d’aventure et celles du drame existentiel. Le ou les personnages doivent redoubler d’invention, de courage et de patience, confrontés aux éléments naturels ou aux autres ; ils ne vivent pas, ils survivent, c’est ce qui les rend héroïques et si humains en même temps. Nous avons sélectionné nos dix films préférés de ce genre qui a encore, difficile d’en douter, de beaux jours devant lui.
Le Monde, la Chair et le Diable, de Ranald MacDougall (1959)
La logique du film de survie commence à se mettre en place dans la deuxième moitié des années 1950. Dans ce film post-apocalyptique, un jeune afro-américain (Harry Belafonte) découvre, après avoir été enseveli dans une mine, qu’un nuage radioactif a décimé toute la population mondiale. Seul survivant, à priori, il s’organise une nouvelle vie dans un New York totalement désert. Ce film méconnu offre une vision inédite d’un milieu urbain vidé de sa substance, et s’ancre dans une actualité encore brûlante : il aborde autant la question du nucléaire et du racisme que celle de l’usage des armes. À (re)découvrir. – Victorien Daoût
Les Chiens de paille, de Sam Peckinpah (1971)
David, un jeune chercheur mathématicien, et sa femme Amy, emménagent dans la campagne anglaise. Mais l’intellectuel à lunettes et la belle jeune femme semblent peu à leur place dans ce lieu isolé, et leur présence suscite chez les habitants des réactions de plus en plus violentes. Les espaces sauvages les plus hostiles ne sont peut-être pas dans la nature. Là où la plupart du temps Sam Peckinpah met en scène dans ses films des hommes qui sont déjà des guerriers, Les Chiens de paille analyse comment le citadin en vient à utiliser la violence extrême après en avoir été la victime. – Ivan Leric

Délivrance, de John Boorman (1972)
Quatre hommes partent dans les sauvages Appalaches pour une descente de rivière en canoé. Menés par leur ami Lewis, charismatique survivaliste, ces citadins commencent leur aventure avec un mélange d’appréhension et d’excitation. Mais la population locale, relativement arriérée, s’avère peu accueillante, et leurs vacances se transforment peu à peu en enfer. Expérience traumatique et hallucinée au son d’un banjo aussi endiablé qu’inquiétant, Délivrance nous parle de la cruauté des hommes et de la nature, dans un univers et sur un registre qui ne peuvent qu’évoquer Apocalypse Now qui sortira quelques années plus tard. Le sommet du survival avant même que le genre n’existe véritablement. – I. L.
The Thing, de John Carpenter (1982)
1982, dans l’Antarctique. Un chien court dans la neige, poursuivi par un hélicoptère d’où on lui tire dessus. L’animal se réfugie dans une station de recherche américaine. Pourquoi était-il pourchassé ? Les Américains découvrent qu’une tragédie semble avoir eu lieu dans la base norvégienne déserte d’où vient le chien, et tombent sur un corps difforme. Quelque chose est là, parmi eux. Mais quoi ? The Thing est un film dont on se souvient ; parce que certaines images, atroces de corps déformés, marquent la mémoire au fer rouge ; mais aussi, de façon plus insidieuse, parce que John Carpenter y propose une réflexion sur l’ambiguïté et l’altérité humaine, et y distille un sentiment de doute à vous rendre paranoïaque. – I. L.

Gerry, de Gus Van Sant (2002)
La lente avancée d’une voiture sur une route américaine déserte, les notes de Spiegel im Spiegel d’Arvo Pärt : l’ouverture de Gerry est inoubliable. Elle envoûte et annonce la tonalité générale du film, qui met en scène l’errance de deux jeunes garçons (Matt Damon et Casey Affleck) s’égarant d’un sentier de randonnée. Un vertigineux jeu de proportions trouble la vision : est-ce une dune ou tas de sable, les personnages vont-ils apparaitre dans le lointain ou en plan rapproché ? Gus Van Sant développe un art inouï de la composition. Si certains raccords de paysages paraissent incongrus, ils nous incitent à prendre ce film comme une errance métaphysique plutôt que géographique. – V. D.
Gravity, d’Alfonso Cuarón (2013)
Après que le télescope spatial sur lequel elle travaillait a été heurté par des débris de satellite, la scientifique Ryan Stone se trouve seule survivante de la catastrophe, et tente par tous moyens de rejoindre la station spatiale internationale, puis la Terre. Le jeu de renversement des perspectives et de perte de repères, s’il est maintenant un classique des films d’espace à gros moyens, atteint une forme de perfection dans Gravity. Découpé en étapes successives au schéma évident mais particulièrement efficace, entre moments d’action intense et pauses poétiques presque métaphysiques, Gravity suspend le spectateur dans le vide. Et parvient superbement, ce qui devrait être l’enjeu de tout film sur l’espace, à se servir de l’espace infini comme lieu d’introspection des préoccupations les plus intimes de son personnage. – I. L.

All is lost, de J. C. Chandor (2013)
Robert Redford est sur un bateau… Toutes les épreuves que les flots peuvent lui imposer, il leur fait face en gardant le cap. Le parti pris est tenu de bout en bout : pas de dialogue, pas de psychologisme, un homme seul face à soi-même et aux éléments déchaînés. C’est une triple leçon : leçon de survie en mer, leçon de présence à l’écran par Robert Redford, et leçon de cinéma de J. C. Chandor qui confirmait, après le coup d’éclat Margin Call et avant le chef-d’œuvre A Most Violent Year, qu’il était l’un des nouveaux auteurs du cinéma américain à suivre, quel que soit le genre qu’il travaille. – V. D.
Seul sur Mars, de Ridley Scott (2015)
Le film de Ridley Scott avait souffert d’une comparaison avec Interstellar, sorti moins d’un an plus tôt. Mais pourquoi opposer l’épopée spatiale de Christopher Nolan à ce film d’aventures extrêmement ludique et efficace ? Si les deux films ont en commun une partie de leur distribution – Matt Damon et Jessica Chastain -, Seul sur Mars s’assume en divertissement d’action, racontant le périple d’un astronaute dans la peau malgré lui d’un Robin Crusoé de l’espace, à travers un rythme plaisant et des idées visuelles que la 3D met en valeur. Et au cas où vous vous risqueriez à voyager vers la planète rouge, vous apprendrez pour votre survie qu’il est possible d’y planter des pommes de terre. – V. D.

The Revenant, d’Alejandro Gonzales Iñarritú (2015)
Grièvement blessé, laissé pour mort, trahi par ses compagnons, le trappeur Hugh Glass reste déterminé à ramper en grognant pendant 2h36 pour se venger. Iñarritú livre un film profondément immersif, notamment par l’usage de plan-séquences impressionnants, dans des décors enneigés somptueux et effrayants. Une apogée formelle du survival, qui aura enfin valu à Leonardo DiCaprio son oscar, sans doute pour sa capacité à jouer avec un grand souci de réalisme le gars qui se fait dévorer par un ours. – I. L.
Arctic, de Joe Penna (2019)
La carcasse d’un avion suffit à nous indiquer que cet homme est déjà échoué depuis un long moment dans ce désert glacial. L’atout du premier film de Joe Penna est en effet de montrer son héros déjà en prise avec la survie quand l’histoire commence. Le mutisme du personnage, propre au héros du survival, profite au magnétisme de Mads Mikkelsen, dont le physique de viking et le calme à toute épreuve s’allient avec panache. Il faut dire qu’il tenait à apparaître dans chacun des plans, jamais doublé même lorsqu’il n’est qu’un petit point rouge dans l’immensité blanche de l’Arctique. – V. D.

D’excellentes analyses et un choix très pertinent.
On aurait pu mentionner également le très beau film « The Walkabout », de Nicholas Roeg (1971), sur la survie initiatique de deux enfants dans le bush australien. Une œuvre sur la fin de l’innocence accordée aux périls de la nature, entre les forces vives de la beauté et la
cruauté du réel.
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Très belle idée que de citer « le Monde, la Chair et le Diable », film par trop oublié qui tient autant des écrits de Matheson que du message politique adressé au public blanc.
Je valide tous les autres, même si parmi les plus récents je n’ai vu que Gravity et The Revenant.
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