
Une tour d’au moins deux cents étages appelée « La Fosse ». Deux prisonniers à chaque niveau. Un large buffet tracté de haut en bas, permettant aux premiers étages de se rassasier et laissant les étages inférieurs affamés… La découverte du monde de La Plateforme, littéralement Le Trou en version originale (El Hoyo), provoque une forme de sidération. Nous sommes ébahis et plongés, comme Goreng, le personnage principal, dans cet univers bien réglé dont on suppose rapidement toute la perversité.
Pour son premier long-métrage, l’Espagnol Galder Gatelu-Urrutia ne recule pas devant l’horreur : en plaçant ses personnages dans une logique implacable de survie, il présente un état radical de l’individualisme. La seule préoccupation qui anime les « prisonniers » (certains sont des volontaires présents dans la tour pour obtenir une sorte de passeport) concerne l’alimentation, et toute chair est une nourriture potentielle… Si les prisonniers changent d’étage à chaque début de mois, pouvant se retrouver aux premiers comme aux derniers niveaux de manière totalement aléatoire, c’est moins un discours sur la permanence des classes sociales que sur la répartition de la nourriture et des richesses qui apparaît. Face à ce système qui relève du pur sadisme, le héros, Goreng, voit son champ d’action très réduit ; lui qui a choisi d’emporter dans cet enfer un exemplaire de Don Quichotte, ses idéaux de contestataire passent de l’indignation comme ressource pour éveiller les consciences à l’utilisation de la force, sans garantie…
La Plateforme s’enracine dans le pur film-concept de genre et file une métaphore dénonciatrice. On peut lui trouver un air du cinéma de Bong Joon-ho, entre la logique verticale décuplée des rapports de domination de Parasite, et les inégalités, à l’horizontale, du train de Snowpiercer. Bien que sans atteindre la puissance de ces films, il profite d’une esthétique solidement dessinée sans écraser la portée du message : musique minimaliste, lignes bétonnées, décor épuré. Les murs gris qui enferment de part et d’autres les prisonniers de la tour s’opposent aux mets élaborés proposés par la plateforme. Le raffinement extrême des plats contraste bien avec la cruauté des bas instincts retrouvés.
Le film se voit tout de même limité par sa propre nature, usant notamment d’une résolution symbolique assez lourde. Il vaut surtout pour son scénario original, et l’on redoute déjà, comme c’est le lot des films-concepts à la mode, toutes ses exportations possibles sous d’autres formats, jeu vidéo ou remake…
La Plateforme / De Galder Gatelu-Urrutia / Avec Ivan Massagué, Zorion Eguileor, Antonia San Juan / Espagne / 1h34 / Sortie le 20 mars 2020 sur Netflix.
Une plate-forme en lieu et place d’un train ou d’un immeuble, voilà un concept intéressant mais en effet pas si novateur. Ce genre d’essai minimaliste laisse largement la place à la mise en scène qui doit se montrer inventive.
A voir, pourquoi pas. Merci du conseil.
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