
En 1979, pour stopper une cellule terroriste palestinienne responsable d’attentats anti-israéliens à travers l’Europe, des agents du Mossad décident de se servir des talents de Charlie (Florence Pugh), une jeune comédienne londonienne.
Mini-série adaptée d’un roman de John Le Carré, The Little Drummer Girl est la seconde œuvre non coréenne de Park Chan-wook (après Stoker en 2013), avec un casting international au trio de tête de choc : Florence Pugh, Alexander Skarsgård et Michael Shannon, offrant trois superbes variations sur les mêmes thèmes du doute et des blessures dissimulées.
Performances d’autant plus essentielles que le grand thème de The Little Drummer Girl est celui du jeu. Martin, à la tête de l’opération, se présente à Charlie comme « le producteur, auteur et metteur en scène de notre petit spectacle » – comprendre l’opération de contre-terrorisme ; Charlie est recrutée par le Mossad après avoir passé une véritable audition ; le terme de « fiction » sert à désigner les couvertures des agents… Les parallèles entre le métier d’acteur et d’espion sont explicites. Les couleurs vives très évidentes de nombreux costumes et éléments de décor les font sauter aux yeux, et viennent comme souligner leur nature d’accessoires de théâtre – il suffit qu’une veste verte passe d’un espion à un autre pour leur permettre de prendre la même couverture. Une esthétique symbolisant donc habilement la perte de repère de héros ne sachant parfois plus quelle cause ils servent.
Car si Park Chan-wook ne vient ni d’Europe ni du Moyen-Orient, on retrouve dans le regard qu’il pose sur le conflit israélo-palestinien ce qui l’avait déjà intéressé dans JSA – Joint Security Area (2000), son thriller à la frontière des deux Corées : son but avoué était alors de ne prendre parti pour aucun des deux camps. Sur le plan politique, la situation n’est évidemment pas comparable, mais dans ces deux fictions, les forces à l’œuvre sur les personnages se font parfois écho. La détermination des Israéliens à créer et consolider à tout prix un état juif n’est pas sans rappeler celle des soldats nord-coréens à faire de même avec un état socialiste. De même pour le thème de la fraternisation avec l’ennemi, qui était au centre de JSA, et qui surgit nécessairement ici lorsqu’un espion est envoyé pour infiltrer les forces adverses.
On retrouve dans la mise en scène la patte de Park Chan-wook, tantôt discrète, tantôt voyante, parfois à la frontière du kitsch mais toujours rattrapée par une subtilité du propos, comme lors de cette très belle scène d’amour tout en zooms et incrustations. Un travail qui s’avère donc à la fois original et personnel sur le matériau toujours passionnant de John Le Carré, pourtant déjà cent fois adapté : The Little Drummer Girl a beau être une série, elle traduit bien l’amour du cinéma de son réalisateur.
The Little Drummer Girl / De Park Chan-wook / Avec Florence Pugh, Alexander Skarsgård, Michael Shannon / Grande-Bretagne / 6x60mn / 2018 / Disponible sur Canal+.