
À côté de ses réalisations récurrentes pour la saga Jason Bourne, le Britannique Paul Greengrass se distingue depuis une vingtaine d’années par des thrillers qui mettent en scène des faits réels édifiants : Bloody Sunday, Vol 93, Capitaine Phillips, Un 22 juillet… Une prise directe avec l’actualité qui l’inscrit dans le sillage des préoccupations d’Oliver Stone, et forme la cohérence de sa filmographie. En choisissant le prisme du western avec La Mission, cette fois, il atténue ce regard politique au profit d’une recherche de l’émotion pour un public familial.
En 1870, Jefferson Kyle Kidd (Tom Hanks) parcourt les Etats-Unis de ville en ville pour lire les journaux aux habitants, largement analphabètes. Cet ancien capitaine est à la fois un conteur et le garant d’un précieux droit de savoir, à une époque où celui-ci existe mal au sein d’une population divisée. Ceux qui l’écoutent sont les spectateurs d’une pièce dans laquelle le réel est un objet de réactions, d’échanges et de débats. Cette approche est un angle excellent pour raconter la période post-guerre de Sécession, mais la mission qui fait le cœur du film, cependant, n’est pas l’accès à l’information. Elle trouve lieu dans une rencontre fortuite : la route de Kidd croise celle de Johanna (Helena Zengel, révélée l’année dernière dans Benni), une enfant dont le passé a été plusieurs fois bouleversé. Sa famille, allemande, a été assassinée par des Indiens kiowas, et ce sont ses derniers qui l’ont élevée avant d’être tués par des Yankees. Kidd s’attache et décide de la reconduire chez elle, à des centaines de kilomètres ; sans parler la même langue, ils nouent un lien fort simulant une relation filiale évidente. « Elle a besoin de nouveaux souvenirs », dira Kidd à propos de Johanna. Le film adopte ce point de vue en ne se tournant jamais vers le passé (pas de flashback), avançant vaillamment vers l’objectif de son héros.
Certes, la critique d’une Amérique rompue aux fake news se dessine et peut être rapprochée de problématiques brûlantes, dont le personnage incarné par Tom Hanks serait le vecteur moral parfait. Mais ce qui compte avant tout pour Paul Greengrass, c’est de faire parvenir à bon port la mission en privilégiant les rebondissements et l’aventure. Ce road trip enchaîne les péripéties attendues, les plans de paysage sur la musique de James Newton Howard se succèdent, les acteurs respirent l’humanisme… C’est beau, propre et justement référencé – la présence John Ford surgit tout au long du film, avec celle de True Grit des frères Coen – mais il manque un supplément d’âme, une profondeur pour aller au-delà de l’efficacité narrative. Jamais ennuyeux, mais assez conventionnel.
La Mission / De Paul Greengrass / Avec Tom Hanks, Helena Zengel, Elizabeth Marvel / Etats-Unis / 1h59 / Sortie le 10 février 2021 sur Netflix.
Le film souffre surtout de ne pas avoir eu droit au grand écran qu’il mérite amplement. Il y a de vrais beaux morceaux de cinéma dans « News of the World », et Tom Hanks confirme qu’il est le parfait héritier de James Stewart.
Certes son déroulé est classique (sans doute suit-il la trame du roman que je n’ai pas lu), mais ses motifs ne sont pas si conventionnels : ce « comté indépendant qui refuse la défaite, les aventures d’un colporteur de nouvelles, ou la vision fantomatique des Indiens.
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