
Takako, Japonaise, vit à Aceh en Indonésie avec son fils Takashi, où elle aide le pays à se reconstruire après le désastre causé par le tsunami. Alors que sa nièce Sachiko vient leur rendre visite, en quête d’un lieu mystérieux photographié par son père décédé, leur aide est sollicitée : un Japonais apparemment amnésique semble avoir émergé de la mer.
Entre le récit fantastique et le conte rohmérien, Le Soupir des vagues propose une réflexion à la triple dimension poétique, politique et philosophique – ce qui fait sans doute autant son charme que ses limites. En une heure et demie, Koji Fukada emprunte une direction, bifurque, mêle intrigue amoureuse et surnaturel… Le résultat est à la fois envoûtant et frustrant.
Un tel traitement apaisé du fantastique rappelle le concept de certains films de Kiyoshi Kurosawa, comme Vers l’autre rive (2015), où des revenants tout sauf effrayants servaient de prétexte à évoquer la question du deuil. Ici, l’inconnu – que les héros baptisent Laut, « la mer » – symbolise à lui tout seul la Nature, Dieu, l’imprévisible, l’inexplicable… Sans doute beaucoup pour un seul homme. La dimension rohmérienne quant à elle n’est pas sans charme, mais traitée rapidement, elle devient parfois maladroite, comme l’illustre ce quiproquo entre les deux couples de héros pensant mutuellement s’être trahis, justifié par une erreur de numéro de téléphone peu crédible.
Le charme opère pourtant, permettant au réalisateur d’analyser les rapports entre Japon et Indonésie. Le premier ayant occupé la seconde durant la Seconde Guerre mondiale, les stigmates du conflit sont encore présents chez les Indonésiens les plus âgés. C’est l’expérience partagée du tsunami qui les rapproche, mais aussi les distingue, puisqu’il révèle leurs différences fondamentales dans la façon qu’a chaque pays de gérer le traumatisme, entre acceptation et déni : à Aceh, un navire échoué sur le toit d’un immeuble est laissé en place ; Sachiko note qu’au Japon, où la même chose est arrivée, le bateau a été enlevé.
Les plus cartésiens préféreront donc la rigueur scénaristique de l’excellent L’Infirmière (tourné un an après Le Soupir des vagues mais sorti l’an dernier en France) ; Koji Fukada confirme en tout cas qu’il est un cinéaste curieux et délicat, à l’œuvre cohérente mais éclectique. Ses admirateurs auront le plaisir de le retrouver de nouveau en salles l’an prochain avec le diptyque Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis, dont la sortie qui vient d’être repoussée est prévue en mai 2022.
Le Soupir des vagues / De Koji Fukada / Avec Dean Fujioka, Taiga, Junko Abe / Japon – Indonésie / 1h30 / sortie le 4 août 2021.