
Nouveauté dans la maison de Molière : il s’y joue une version du Tartuffe jamais présentée auparavant. Le metteur en scène Ivo Van Hove retrouve la Troupe (après Les Damnées et Électre / Oreste) pour leur faire interpréter cette version royalement censurée dès sa première représentation, en 1664.
Plus court, plus corrosif, le texte est la seule vraie découverte de la soirée. Car il faut dire que la mise en scène clinquante du metteur en scène Belge ne le met que très peu en valeur, ou du moins, en avant. En effet, Ivo Van Hove semble éprouver le besoin de justifier, d’expliquer quelques concepts formels, tout en en laissant d’autres inexpliqués, voire inexplicables.
Le tatami au milieu de la scène sur lequel les personnages s’affrontent verbalement ne nécessitait pas que ces derniers se saluent avant d’y mettre un pied. Tout comme les changements de scènes ne réclamaient pas les projections de mots qui les annoncent. Ou bien les techniciens d’être vus par le public. Ou les flash de lumière d’être si répétitifs. Ou encore la musique d’être omniprésente. Ivo Van Hove voudrait faire croire à une mise en scène crue uniquement en dépouillant le plateau. Mais la mise en scène qui anime ce plateau n’a rien de dépouillée. En ne faisant pas confiance aux capacités interprétatives de son spectateur, au découpage de son texte et à l’énergie de ses comédiens il leur impose un amas de coquetteries formelles et d’éléments rythmiques superflus.
Il force alors les comédiens à des extrêmes de jeu parfois difficilement recevables. La magie opère lorsqu’une certaine tension intime se créée. Lorsque deux acteurs laissent une place aux silences, à la confidence. La connivence entre eux est manifeste et les mots s’élèvent avec aisance et souplesse jusqu’au plafond de Richelieu. Ces dialogues menés par Loïc Corbery ou ces pauses animées par Dominique Blanc sont tout à fait captivants car du temps et de l’espace sont laissés aux comédiens. Lorsqu’en revanche ces derniers sont forcés de tomber dans une profusion de poses chorégraphiques ou de hurler pour que leur voix s’élève au dessus de la musique d’ascenseur qui résonne dans la salle, l’agacement n’est jamais très loin.
Le Tartuffe d’Ivo Van Hove semble finalement emprunter beaucoup plus à la tradition formelle télévisuelle que théâtrale. Paré d’inutilité, il glisse de la médiocrité vers l’hystérie, laissant un public tristement frustré.
Le Tartuffe ou l’Hypocrite / De Molière / Mise en scène de Ivo Van Hove / Avec Christophe Montenez, Loïc Corbery, Dominique Blanc, Denis Podalydès, Julien Frison, Marina Hands et Claude Mathieu / du 15 janvier au 24 avril / Salle Richelieu.