
Nasra est tout pour son mari Guled et pour Mahad, leur fils. Lorsque sa maladie s’aggrave soudainement, rendant nécessaire une opération du rein très coûteuse, ces derniers sont désespérés. Guled travaille comme fossoyeur, mais cet emploi ne lui permet pas de rassembler la somme exigée. Il n’a d’autre choix que de retourner au village qu’il a fui plusieurs années auparavant pour y chercher son héritage, un troupeau de chèvres dont la vente permettrait de financer l’opération. Parallèlement au chemin de croix qu’il entame dans le désert, son fils Mahad aide sa mère du mieux qu’il peut, abandonnant ses copains et les jeux pour gagner de l’argent.
Pour son premier long-métrage, le réalisateur finlandais d’origine somalienne Khadar Ayderus Ahmed a étiré une anecdote réelle pour réaliser une petite fable. Alors qu’il constatait l’excessive complexité des rituels funéraires en Finlande, son frère lui rappela leur caractère expéditif en Somalie, où des fossoyeurs attendent devant les hôpitaux qu’on leur fournisse les corps à mettre en terre. Ainsi est né le personnage du Guled, dont Khadar Ahmed a ensuite imaginé l’histoire.
Le film revendique son emprunt à la forme littéraire de la fable, par son titre et par un hommage implicite à La Fontaine dans la première scène. L’un des fossoyeurs conte maladroitement à ses compères une histoire de rats cherchant à se débarrasser d’un chat, très semblable au « Conseil tenu par les rats », deuxième apologue du livre II des Fables. Malheureusement, Khadar Ahmed a la maladresse de ce fossoyeur-conteur : il confond naïvement la simplicité apparente des fables avec leur complexité réelle. La Femme du fossoyeur possède certes une trame épurée et limpide, mais n’a pas la densité du genre.
On regrette que cette épure narrative entraîne une simplification du réel, alors que le film promettait de mettre en lumière une région peu représentée au cinéma, en situant son action à Djibouti, et de dénoncer la faiblesse de son système de santé. Djibouti n’apparaît que dans des représentations très figées et conformes à une vision orientaliste que véhicule également la musique (surexploitée), et l’inégal accès à la santé est presque exclusivement montré au travers d’une lourde métaphore de la mort (métier de fossoyeur, désert, rapaces, squelette et soleil de plomb).
La mise en scène dépouillée et le travail sur la lumière confèrent toutefois une belle unité visuelle au film. Bref, plastiquement réussie, La Femme du fossoyeur est un film affable qui hélas manque d’ampleur et ne déconstruit pas certains clichés.
La femme du fossoyeur / De Khadar Ayderus Ahmed / Avec Yasmin Warsame, Omar Abdi et Kadar Abdoul-Aziz Ibrahim / Somalie / 1h22 / Sortie le 27 avril.