
Premier long métrage de Jacques Lœuille, Birds of America revient sur le travail entrepris par l’ornithologue Jean-Jacques Audubon au XIXe siècle pour créer un atlas zoologique illustré représentant la totalité des oiseaux du continent américain.
Adoptant le même parcours que le scientifique deux siècles auparavant, le film est une descente le long du Mississippi, de la source de ce fleuve emblématique des États-Unis, surnommé « Body of a Nation », jusqu’à son embouchure dans le Golfe du Mexique. Dans ce road movie (ou plutôt river movie), Jacques Lœuille part sur les traces des oiseaux peints par Audubon et aujourd’hui disparus, pour enquêter sur leur extinction de masse, de l’arrivée des colons jusqu’à nos jours. Les rencontres qu’il a faites au gré de son parcours jalonnent le film et tirent la sonnette d’alarme : conservateur de musée, scientifique, populations amérindiennes, famille noire-américaine contrainte de vivre au cœur d’une des régions les plus polluées du monde témoignent des actions humaines qui ont conduit à cette catastrophe écologique.
Périple historique et géographique, Birds of America sonde la construction de l’identité américaine au prisme original de l’œuvre de Audubon, fierté nationale aux États-Unis. Le film fait ainsi état des conséquences désastreuses de la conquête de l’Ouest : la construction américaine s’est faite au détriment des autochtones et des oiseaux, les massacres et déplacements forcés des populations amérindiennes allant de paire avec la destruction de l’écosystème.
Si l’on peut reprocher au film sa voix off omniprésente, qui surligne souvent ce que montrent déjà les images, il demeure une superbe fresque picturale et sonore. Jacques Lœuille s’empare ingénieusement des outils du cinéma pour ressusciter dans l’éphémère de la projection les oiseaux disparus, au moyen d’un admirable travail sur le son. En se lançant dans son projet titanesque, Audubon s’engageait dans une entreprise de sauvegarde pour représenter un monde sauvage avant qu’il ne disparaisse. Jacques Lœuille transpose son œuvre sur l’écran pour lui donner une ampleur nouvelle et signe un plaidoyer pour une écologie politique qui émerveille autant qu’il émeut.
Birds of America / De Jacques Lœuille / Avec Jean-François Sivadier à la narration / France / 1h20 / Sortie le 25 mai.