
De la sublime séquence d’ouverture de Costa Brava, Lebanon nous augurions la puissance et la sensibilité de l’œuvre. Il n’en est rien.
Dès les premières secondes, le bourdonnement des pales d’un hélicoptère et les grincements stridents mécaniques se couplent à l’image de l’horizon sur la mer, alors qu’apparaît la lueur du soleil. Nous comprenons de cette antithèse visuelle et sonore qu’il ne sera pas question de tourisme côtier sur cette « costa brava » libanaise. Un lent travelling lève le voile sur des docks : nous remarquons graduellement des bateaux et des conteneurs. Des hommes courbant le dos traversent vaporeusement l’image avant que la mise au point de l’appareil ne s’effectue sur eux. La caméra recule, exposant le protagoniste de cette scène : une statue recouverte d’une bâche et sanglée à l’horizontale, comme un homme endormi. L’ordre d’apparition des différents éléments au sein de ce prologue est-il le reflet de la hiérarchie mise en place au Liban ? Alors que l’environnement et les travailleurs figurent à l’arrière plan, c’est vers la figure se reposant du président Michel Aoun, occupant tout l’espace, que se porte le regard. Cette introduction n’est pas sans rappeler la séquence d’ouverture de La dolce vita de Fellini, alors qu’une statue du Christ suspendue à un aéronef traversait une Rome en construction. Moins glorieux qu’une arrivée au Vatican, notre statue s’achemine vers… une déchetterie. Chez Mounia Akl, lors du générique, la déambulation automobile linéaire du chef d’État libanais exprime la réalité d’un pouvoir sommeillant sur une ville en chantier et révoltée.
Votre visionnage de Costa Brava, Lebanon peut s’interrompre ici, après 4 min. Ce prologue constitué de sept plans riches de sens et qui présageaient une œuvre réfléchie s’étouffe dès que surviennent les premiers éléments dramaturgiques, alors qu’est inscrit sur le portail « Famille Badri, propriété privée ». Ainsi, la suite du long-métrage superpose maladroitement les relations au sein d’une famille où cohabitent trois générations. Quand le gouvernement, en vue de sa réélection, instaure un projet de décharge publique à côté de leur domicile, l’habitat naturel de la famille, isolée à la campagne pour échapper au vacarme de Beyrouth, se retrouve entouré et envahi par les ordures. Alors que tout les les poussent à quitter leur cadre de vie autrefois paisible pour la ville, à quoi bon préserver ses enfants d’un monde dans lequel ils devront inévitablement demeurer ?
La déchetterie exhume ce qui était enfoui chez les personnages, bien que ce que l’on en déterre n’ait que peu d’interêt. Nous regrettons que les destins autonomes de chaque membre de cette famille dispersent le film, prenant ainsi le pas sur ce qui aurait pu être une éloquente décharge des malversations politiques au Liban.
Costa Brava, Lebanon / De Mounia Akl / Avec Nadine Labaki, Saleh Bakri, Nadia Charbel / Liban / 1h 47 min / Sortie le 27 juillet 2022.
A reblogué ceci sur AnaLise.
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