
Le nouveau film de Claude Schmitz, trois ans après Braquer Poitiers, s’annonce comme un projet hybride et ambitieux. Véritable gloubi-boulga entre portrait d’une amie, réflexion sur le métier d’actrice, déambulation contemplative et comédie théâtrale méta, Lucie perd son cheval ne ressemble à rien d’autre, et c’est là sa force.
On pourrait certes faire un lien avec la candeur de Caroline Poggi, Jonathan Vinel ou Yann Gonzalez, mais ce serait passer à côté de l’essentiel, à savoir ce grand écart réussi entre le réel et le factice. Le film s’introduit comme un documentaire avant de glisser peu à peu dans une artificialité propre au théâtre. Pourtant, l’hybridation ne réside pas tant dans la fusion de ces différentes composantes que dans leur fabrication propre. La théâtralité du jeu se mélange à une mise en scène expérimentale et sensorielle lors d’une séquence où Lucie semble perdre le fil avec la réalité. De même, que dire de la présence du charismatique Francis Soetens, qui ne ressemble pas à un acteur classique (et pour cause, il n’a joué qu’avec Claude Schmitz) ?
La notion de vérité est donc évidemment au centre du film, mais le discours théorique ne prend jamais le pas sur l’émotion, bien au contraire. Qu’est-ce qu’on voyage devant Lucie perd son cheval ! Le film ne se prend jamais trop au sérieux, assumant un humour absurde qui se marie parfaitement avec la légèreté de l’intrigue. Ce n’est pas de l’expérimentation froide ou un entre-deux hésitant, mais une recherche délicate et sincère. On peut quelquefois être perplexe face à certaines longueurs ou ruptures de ton, mais l’expérience en vaut assurément la peine. Lucie perd son cheval affiche fièrement la singularité du cinéma indépendant, fauché et fragile, mais immensément libre.
Lucie perd son cheval / De Claude Schmitz / Avec Lucie Debay, Hélène Bressiant, Francis Soetens / 1h22 / Belgique / Sortie le 8 février 2023.