
Dans les montagnes costariciennes, Domingo vit en ermite depuis la mort de sa femme. Mais le terrain sur lequel est bâtie sa maison est convoité par des entrepreneurs pour la construction d’une autoroute. Face à la pression croissante des promoteurs, l’homme endeuillé entre en résistance. La maison est le dernier lien avec sa femme, qu’il reconnaît dans une brume épaisse qui tombe chaque nuit.
Sélectionné à Cannes dans la section Un certain regard, Domingo et la brume est au croisement de trois genres cinématographiques. La trame narrative s’étire entre drame social et film fantastique dans un décor de western. La dénonciation des expropriations courantes au Costa Rica cohabite avec une métaphore fantastique : la brume dit l’impossibilité du deuil de Domingo. À mi-chemin entre le film brésilien Aquarius (pour la dimension politique) et du Stalker de Tarkovski (pour la dimension fantastique), Domingo et la brume développe avec une lenteur assumée son intrigue oppressante.
C’est l’oscillation entre réalisme documentaire et esthétique fantastique qui fait l’intérêt du film. Le réalisme tient surtout au choix du casting. La confrontation d’acteurs professionnels et non professionnels ramène l’intrigue à sa vocation politique, ancrée dans une actualité nationale. Quant à l’atmosphère fantastique, elle s’élabore avant tout par le son (un peu à la manière de Stalker) : un jeu sur la spatialisation du son et une musique formée à partir de bruits ambiants créent un sentiment d’étrangeté pour les spectateurs. Le fantastique est ainsi créé en sourdine, à l’aide d’effets spéciaux artisanaux, dans une quête économe du spectaculaire. La brume épaisse et surnaturelle trouve ainsi de lointains échos dans la fumée ordinaire qui s’échappe d’une casserole sur le feu ou dans celle qui émane d’une cigarette qu’on fume.
Fable embrumée à l’opacité séduisante, le second long métrage d’Ariel Escalante Meza manque parfois de plonger ses spectateurs dans un état de torpeur, mais les strates poétique et politique du récit s’articulent finalement sans lourdeur.
Domingo et la brume / De Ariel Escalante Meza / Avec Carlos Ureña, Sylvia Sossa, Esteban Brenes Serrano / 1h32 / Costa Rica, Qatar / Sortie le 15 février.