Petites

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© Haut et Court

Pour leur premier long-métrage, Julie Gersant-Lerat et François Roy posent leurs caméras dans un centre maternel où des adolescentes enceintes doivent choisir entre devenir parent ou laisser leur enfant dans un centre d’adoption. Abordant autant la difficulté de la maternité que le récit initiatique de femmes trop perdues pour être mères, Petites adresse un sujet aussi riche qu’intéressant, ce qui sera à la fois sa force et sa faiblesse. 

Camille, 16 ans, enceinte de trois mois, incapable d’arrêter de fumer ou de se confronter à sa mère, décide dès le début de ne pas garder son bébé, un « abandon » qui la confrontera à son entourage et guidera la narration tragique du film. Car être parent n’est-il pas un devoir autant qu’une noblesse ? Est-ce irresponsable ou mature d’admettre ne pas en être capable ? Le centre maternel se montre sous son aspect le plus cru, arche de Noé qui prend l’eau, incapable d’accueillir toutes ces adolescentes qui expriment leur désarroi en agressivité. Le jeu des actrices est à saluer, en particulier celui de Pili Groyne dont l’interprétation de Camille est saisissante de vulnérabilité et de souffrance refoulée.

Cet univers sans concession, où adultes et enfants paraissent également immatures, s’offre une réalisation bien classique. Des couleurs ternes et une caméra à l’épaule, au plus près des personnages : les réalisateurs choisissent d’invisibiliser leur caméra derrière les conflits. Frustration heureusement corrigée par quelques scènes où ils laissent leur imagination s’exprimer pour mieux représenter la réalité cauchemardesque de Petites. Une inspiration bienvenue du giallo transparaît tandis que les couleurs deviennent franches et que des nappes d’ombres envahissent l’espace. Dans ces quelques moments, les personnages se présentent enfin comme ils le sont : des fantômes en suspens, incapables d’accepter leur situation et submergés par une violence omniprésente.

Cependant, ces fulgurances ainsi que les thématiques passionnantes ne sont pas représentatives de la majorité de l’œuvre, dont l’hostilité générale des personnages devient trop souvent caricaturale. Si on devine que Julie Gersant-Lerat et François Roy voulaient aborder leur sujet avec un naturalisme brutal, les constantes disputes sont à terme répétitives et ne traitent pas toute la richesse du propos. On a même parfois l’impression que Petites évite le plus possible de représenter les aspects les plus positifs de ses personnages, par exemple en résumant toute construction d’amitié par des séquences musicales paresseuses. Il n’est pas rare que des confrontations où la violence psychologique est à son paroxysme n’aboutissent à aucune réelle conséquence et nous font douter de la pertinence du film. Petites représente-t-il la violence avec justesse ou au contraire la provoque et l’exagère ? C’est sur cette interrogation amère que se poursuit et se termine l’œuvre qui ne parvient jamais à proposer un traitement à la hauteur des problématiques qu’il traite.

Petites / de Julie Gersant-Lerat et François Roy (III) / avec Pili Groyne, Romane Bohringer, Victoire Du Bois / France / 1 h 30 / sortie le 22 février 2023

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