
Dans un pays où la délinquance en col blanc n’a pas de visage, on peut se réjouir de voir un film pointer sans détour un fait réel en citant des entreprises et des noms ; il est aussi bien question de rafraîchir la mémoire des Français que de graver dans le marbre une énième affaire économique que l’on finira par oublier. Il en va de même pour les politiques cités : Christophe Paou incarne brillamment le cabotin Arnaud Montebourg, que l’étiquette souverainiste n’a pas empêché de contribuer activement au démantèlement d’Areva.
Le film se divise en deux parties bien distinctes. La première montre Maureen Kearney mener son activité de syndicaliste, tandis que la seconde se concentre sur son combat pour la vérité après qu’un homme l’a agressée à son domicile et que sa parole soit mise en cause. L’intelligence de cette structure réside dans le fait que la seconde partie annihile la première : une fois qu’on a jeté le discrédit sur Maureen Kearney, la situation d’Areva passe à la trappe. Plus de scandale d’état, plus de délocalisation. D’un combat collectif, on passe à un combat individuel.
On sort de La Syndicaliste en colère. Il y a d’abord la colère saine de constater que les puissants s’en sortiront quoiqu’il arrive et auront toujours le dernier mot dans ces histoires d’entreprises. Et puis il y a celle envers le réalisateur, qui ne semble pas mesurer la portée de ce qu’il filme. Sa position est claire : Maureen Kearney a bel et bien été agressée. Dès lors, pourquoi cette partie est complètement ellipsée dans le film ? Ce faisant, Jean-Paul Salomé place le spectateur dans la désagréable position de douter de la victime, comme si la présence d’Isabelle Huppert au casting impliquait nécessairement de jouer la carte de l’ambiguïté. On pourrait rétorquer que cette ellipse vient retranscrire l’amnésie traumatique, mais le personnage se souvient de cette agression dans le moindre détail. Voilà donc un exemple classique d’un film politique affaibli par sa volonté de dramatiser son récit.
La Syndicaliste / De Jean-Paul Salomé / Avec Isabelle Huppert, Grégory Gadebois, François-Xavier Demaison / France / 2h01 / Sortie le 1er mars 2023.