
C’est un vacillement de lumières vertes qui se déploient sur la silhouette d’Elina, aux cheveux courts de la même couleur. En Finlande, dans les quartiers aux immeubles hauts qui tracent des lignes de fuite, elle vagabonde, casque sur les oreilles, mots de rap au bout des lèvres. Elle marche, triomphante, dans ce milieu urbain qu’elle connaît par cœur, qu’elle a apprivoisé, qui lui façonne une seconde identité. Mais elle se voit obligée de déménager sous l’impulsion de sa mère, pour aller vivre chez son beau-père, dans une Provence bucolique.
Elina et son monde métallique, assumé, grunge, aux reflets olive, rentre en contact- et c’est un choc des cultures – avec celui de Sofia, sœur par alliance, dont les murs de la chambre relèvent du rose bonbon, où trône une ballerine qui tournoie sur elle-même, dans sa boite à musique, au lit à baldaquin. Elina détonne dans cet univers girly, ordonné, qui traduit l’amour de la danse classique de Sofia. Bientôt – et peut-être un peu trop rapidement, sans réelle raison valable – elle tombe sous son charme. D’abord repoussée, puis acceptée, Sofia devient un objet de désir, une fascinante jeune femme dont les gouttes de sueur qui perlent sur son dos dans les coulisses, capturées en gros plan, soulignent organiquement le fantasme d’Elina pour sa belle-sœur. Elle en vient rapidement à créer une chanson pour celle qui devient son amie, puis son amoureuse, avant que les feux de la jalousie et de la possession ne s’abattent sur elle. Tout se joue dans le regard, des yeux revolver, qui fixent les prétendues ennemies, tandis que les mots ne peuvent traduire le sentiment si fort qu’éprouve Elina pour Sofia.
Dès lors, c’est un jeu de cache-cache, un « fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis », qui dicte le rythme du film, des allées et venues de sentiments éparses, entre amour et haine dont les armes sont celles de la génération d’aujourd’hui : c’est à coup de mensonges, de manigances, de vidéos piquées dans les recoins d’une fête, avec un téléphone portable, et l’accès aux réseaux sociaux que se déploie cette bataille passionnée, jusqu’à un paroxysme, un point de non-retour. Les musiques électroniques qui dictent la pulsation du film viennent donner corps au battement de cœur d’Elina : c’est une course contre l’amour, un sprint vers la passion ardente, une ruée vers l’apoplexie des sentiments. Le dernier plan souligne l’ambiguïté de la jeune femme : le visage coupé en deux, d’un côté par une lumière verte, de l’autre par une lumière rouge. Elle appartient autant au monde souterrain du rap, de sa mélodie pour Sofia qu’elle entonne devant un public en délire, leitmotiv des images qui revient comme une comptine, qu’à celui de Sofia, plus mesuré, rigide, aux couleurs de la passion qui brûle, toujours en elle mais qu’elle ne pourra plus jamais consommer.
Pulse / De Aino Suni / Elsi Sloan, Carmen Kassovitz / France, Allemagne, Finlande / 1H43 / Sortie le 22 février 2023.