
Encore assez méconnue en France, la justice restaurative se révèle dans le dernier film de Jeanne Herry, Je verrai toujours vos visages, qui met en scène des rencontres entre des victimes et des auteurs d’infraction, visant à réparer le lien social par les mots.
Doté d’un casting prestigieux, le film se compose de deux intrigues hermétiques, l’une individuelle où une jeune femme se prépare à affronter son frère incestueux sorti de prison et l’autre collective où victimes et condamnés entament un processus de médiation. Ces échanges sont encadrés par des intervenants bénévoles, eux-mêmes des anciennes victimes, dont le travail de médiateur permet de poursuivre leur reconstruction.
D’une humanité saisissante, Je verrai toujours vos visages ne s’encombre pas d’artifices mélodramatiques et propose une immersion immédiate dans l’intimité meurtrie des uns et l’incompréhension des autres avec un regard documentariste. Dans la confiance des espaces clos, la parole se libère et un kaléidoscope de souffrances miroite : celle des victimes et celle des condamnés, parfois plus pernicieuse car découlant de la violence banalisée dans de nombreux foyers. Isolés par le cadre d’une caméra immobile, les maux s’apaisent peu à peu par le dialogue et s’amenuisent au profit d’une humanité restaurée et d’un cadre élargi.
Le film invite à inverser les tendances de l’isolement des victimes et la culpabilisation systémique des braqueurs pour tendre vers la restauration du lien social de part et d’autre mais ne semble qu’effleurer certaines problématiques encore taboues. L’intrigue suivant une victime d’inceste participe au décloisonnement de ces non-dits et pointe du doigt un dialogue que la société n’est pas encore prête à tenir. Le processus de médiation a pour vocation d’accompagner de manière égale les deux parties concernées mais qu’en est-il lorsque l’auteur de ces agressions refuse de reconnaître sa culpabilité et se voit comme la victime à qui l’on devrait demander pardon ? Écouter serait-il suffisant ?
Je Verrai toujours vos visages / De Jeanne Herry / Avec Adèle Exarchopoulos, Leïla Bekhti, Dali Benssalah / 1h58min / France / Sortie le 29 mars