Voyages en Italie

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© Météore Films

« Si on a des problèmes, c’est pas en partant qu’on va les résoudre. Dans le cas de figure où ça se passe bien, on va revenir, on n’aura pas résolu les problèmes. » Dans un bus qui traverse mollement la capitale, un couple en crise réfléchit à partir en voyage pour raviver la flamme. Jean-Phi ne voit pas l’intérêt, mais Sophie finit par le convaincre. Reste à trouver une destination… Après maints pourparlers, un compromis est trouvé : ce sera la Sicile.

Sophie Letourneur revient après le fantasque Énorme (2019) avec une autofiction burlesque, dans la lignée du Marin masqué (2011) et des Coquillettes (2012). Elle continue ainsi d’arpenter la frontière entre fiction et réalité pour sonder les tourments de la vie quotidienne. Avec l’acuité mordante et tendre qu’on lui connaît, elle part de son expérience pour mieux élargir la focale et aborder cette fois-ci la versatilité du désir dans un couple. Le burlesque naît du regard distancié que la réalisatrice pose sur sa vie. Parce qu’elle met la part autobiographique au service de la comédie, les personnages sont à la fois caricaturaux et incarnés, universels et idiosyncratiques. C’est par l’écriture, mais aussi par la mise en scène que cette distance se créée. Les personnages sont croqués par une caméra souvent éloignée d’eux : filmée en plan très large, la chute de Jean-Phi sur un pont de Paris à la veille du départ – un acte manqué, pour Sophie – est exemplaire de cela.

Voyages en Italie séduit aussi par sa manière de tordre le cou à un romantisme palot. Il inscrit dès le pluriel de son titre le périple du couple dans le sillage de nombreux autres : les vacances que Sophie et Jean-Phi s’apprêtent à vivre sont finalement ordinaires. En témoigne le générique d’ouverture, une succession de photos de couples anonymes posant devant des monuments italiens. Ce sont les vacances de M. et Mme Tout-le-monde en Sicile, où l’on suit le guide du routard, où l’on boit du succo di limone, où l’on commande « due tiramisù ! », où l’on partage un scooter, où l’on fait des compromis… L’idéal d’une conjugalité continuellement épanouie est défait : même en Italie, Sophie et Jean-Phi alternent entre disputes et moments d’accalmie. À la manière de Perec, Sophie Letourneur et Philippe Katerine nous donnent à voir l’extraordinaire dans l’ordinaire. La vie conjugale apparaît comme un jeu d’équilibriste ardu. À voir le couple retrouver son lit au retour de Sicile dans la dernière partie du film, on comprend, tandis qu’ils enregistrent le récit de leur voyage, que rien n’a vraiment changé : ce qui compte, c’est qu’ils continuent d’échanger.

Si le couple du film n’a que peu de choses à voir avec celui du Voyage en Italie de Rossellini, que mentionne Jean-Phi sur les routes siciliennes, il existe des échos dans la mise en scène. Comme Rossellini, Sophie Letourneur préserve la complexité du réel qu’elle représente. Son cinéma ne reconstruit pas le monde, mais se construit dans le monde. Dans Voyages en Italie le réel n’est pas laissé à la marge. Le film se nourrit d’images documentaires parfois issues des repérages filmés et intègre des personnages qui jouent leur propre rôle. Il en ressort une comédie burlesque à l’esthétique naturaliste.

Avec ce premier volet d’une trilogie sur le couple et la famille qui promet d’être haute en couleur, Sophie Letourneur signe une comédie qui a l’acidité et la douceur d’un succo de limone.

Voyages en Italie / De Sophie Letourneur / Avec Philippe Katerine, Sophie Letourneur / France / 1h31 / Sortie le 29 mars.

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