
Dans Le Paradis, Zeno Graton met en scène les tribulations d’un désir, puis d’un amour, naissant entre deux jeunes en centre de correction. Pourtant, désir ou amour ? Difficile à dire : la relation entre Joe et William semble être la première, l’unique, la dernière et donc tout et rien contenir, tout et rien signifier à la fois. Mais c’est aussi par ce manque de spécificité que pèche le film. Le jeune érotisme homosexuel et la romance de prison étant tous deux des thèmes particulièrement présents sur grand et petit écran. Si le film ne fait qu’emprunter des sentiers battus la majorité du temps, il s’offre un sursaut de poésie à mi-chemin.
Ce que Zeno Graton ajoute à ce traitement narratif quelque peu banal est l’immersion de l’art entre les murs de la prison, entre la peau et le sang. Joe danse et William dessine. Ce que les paroles d’un rap permettent d’exprimer pour l’un, le second le fait à traits de crayon. Le réalisateur filmes ces deux arts comme possibilité d’échappatoire à un double enfermement, à une compression des sens : la prison et l’amour. Le corps de Joe dessine des mouvement dans l’espace restreint, mais à travers le mur de la cellule, William entend la musique et image son amant. La pointe de leurs doigts sur promène sur la peau, que bientôt l’encre marquera. Dans une des scènes de tatouage des plus réussies et romantiques, les deux hommes consomment enfin une union physique et artistique. Quand il est temps de sortir de prison, des doutes sont de mises : l’aspect essentiellement cathartique que leur offrait l’art qu’ils pratiquaient jointement, et l’épanouissement que la sexualité leur procuraient, tout ça s’évanouirait à la lumière du monde extérieur. La liberté physique, matérielle devient alors oppressante.
Si Zeno Graton ne filme donc ni les relatons amoureuses, ni la prison de façon novatrice, sa mise en scène d’une calligraphie du désir dénote d’une inventivité certaine et nous touche immensément.
Le Paradis / De Zeno Graton / Avec Khalil Gharbia et Julien de Saint-Jean / France / 1h23 / Sortie le 10 mai 2023.