Au cinéma, la figure de l’artiste est bien des choses, pouvant par exemple aussi bien prendre les traits d’un peintre bipolaire (Van Gogh) que celle d’un adolescent meurtri par le divorce de ses parents (The Fabelmans). Par ces propositions bien différentes, l’artiste ressort toujours comme un être malgré lui hors du commun.
“Lot of people are creative” rétorque Lizzie, protagoniste de Showing Up, cassant instantanément cette idée presque religieuse. La jeune femme – à nouveau incarnée par Michelle Williams, grande habituée du cinéma de Kelly Reichardt – n’a pas la complexité d’un Vincent Van Gogh ou la situation familiale d’un Sammy Fabelman. Ses problèmes sont mineurs – le principal étant l’absence d’eau chaude dans son appartement – et sa situation familiale, bien que compliquée, se veut plus ordinairement pathétique.
C’est pourtant dans ce quotidien banal que Kelly Reichardt capture enfin ce que beaucoup de films n’avaient pas réussi à entrevoir. Face aux sempiternels génies, trouvant la divine inspiration entre deux cuts obscurs, l’artiste a ici besoin de temps pour créer et Showing Up se plaît à le filmer. Chaque geste doit être précis, chaque étape demande patience et chaque moment de travail est précieux. Kelly Reichardt aime d’ailleurs en rire. Constamment interrompue, que ce soit par sa voisine Jo, son chat ou le pigeon qu’elle a recueilli, la jeune artiste va de retard en retard mais trouve finalement l’harmonie non pas dans le contrôle du réel comme de son art mais dans l’irrésolution propre à la vie. Même s’il n’évite finalement pas la psychologisation de son héroïne, notamment via sa relation fraternelle lourdement stéréotypée, Showing Up touche du doigt une épure agréable, loin de la vision dramatisante de ses confrères.
Showing Up / de Kelly Reichardt / Avec Michelle Williams, Hong Chau, André Benjamin, Heather Lawless / 1h48 / Etats-Unis / Sortie le 3 mai 2023
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