
En 2016, tel un signe annonciateur de l’affaire Weinstein et du mouvement #MeToo, le comportement du patron de la chaîne conservatrice et républicaine Fox News, Roger Ailes, était dévoilé au grand jour. Accusé de harcèlement sexuel par Gretchen Carlson, présentatrice de la chaîne, il se voyait alors obligé de démissionner. Elle n’était pas sa seule victime : plusieurs voix de femmes au sein de la rédaction se sont jointes à la sienne, dénonçant les agissements scandaleux de leur patron. En retraçant cette glaçante histoire vraie, Scandale est-il le film post-MeToo que l’on attendait venant d’Hollywood ?
Lorsque les premiers photogrammes du film nous étaient parvenus, on se demandait ce qui était arrivé à Nicole Kidman, Charlize Theron et Margot Robbie, et c’est en effet par le visages de ses actrices que le film commence par interpeller. Elles ont quelque chose de quasi-monstrueux, avec leurs prothèses, leur maquillage très visible qui les font certes ressembler aux personnes dont elles incarnent l’histoire, mais aussi à des femmes formatées par une image à laquelle on leur a sommé de se conformer. Cette image, c’est celle que la rédaction de Fox News impose à toutes ses employées, forgeant par-là une représentation figée des femmes qu’il est de bon ton de remettre en question. Parmi ses femmes se trouve Megyn Kelly (Charlize Theron), présentatrice phare de Fox News, connue mondialement dans le monde des médias depuis son interview de Donald Trump, alors candidat aux primaires républicaines, au cours duquel elle pointait son sexisme, se faisant ensuite insulter par le futur président via Twitter… Le film met en avant ce personnage avec une vraie complexité, tant son parcours nourrit les paradoxes. Comment manifester une revendication féminisme dans un milieu extrêmement conservateur ?
Si certains points à la hauteur de cette interrogation parviennent à se hisser à la surface de Scandale, et que quelques scènes marquent en provoquant l’effet escompté (l’entretien humiliant de Margot Robbie dans le bureau de Roger Ailes), la forme du film joue malheureusement, la plupart du temps, en sa défaveur, et ne place pas dans les bonnes conditions pour en recevoir la portée dénonciatrice. Jay Roach, réalisateur entre autres d’Austin Powers (1997) et Mon beau-père et moi (2000), fait le choix d’un didactisme caricatural. Il brise sans cesse le quatrième mur avec un excès crispant, qui assimile son film à une succession d’informations – tendance contemporaine du film-Wikipedia. Les choix de réalisation affadissent très souvent ce sujet passionnant, notamment en multipliant les zooms jusqu’à plus soif, comme un refus de livrer un véritable point de vue par la mise en scène.
Scandale / De Jay Roach / Avec Charlize Theron, Nicole Kidman, Margot Robbie, John Lithgow / Etats-Unis / 1h49 / Sortie le 22 janvier 2020.
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