Ozark

Disponible sur Netflix

OZARK
Laura Linney (Wendy Byrde) et Jason Bateman (Marty Byrde) © Netflix

Marty Byrde, un banquier de Chicago, blanchit depuis plusieurs années de l’argent pour un cartel mexicain. Lorsque son associé se fait exécuter sous ses yeux, il décide de quitter la ville pour se réfugier dans les Ozarks. Au coin du lac, il emménage avec sa famille et n’a pas d’autre choix que de continuer à travailler pour le dangereux baron de la drogue. À peine installé, il doit apprendre à jongler entre les menaces venant des habitants locaux, du cartel et du FBI. 

Impossible de ne pas penser à Breaking Bad en entamant la première saison d’Ozark. Le protagoniste – un père de famille, blanc, quarantenaire, de classe moyenne – n’est pas sans rappeler Walter White. L’arc narratif des personnages qui, par leurs propres actes, s’enfoncent petit à petit dans un monde de crime, demande la comparaison avec la série de Vince Gilligan. Pourtant, la production Netflix se démarque rapidement de l’œuvre culte, notamment en instaurant un rythme calme, pesant. La descente aux enfers de Marty et sa famille se fait lentement, dans une atmosphère froide. Le bleu aseptisé du lac et le gris sombre des maisons qui l’entourent se reflètent sur les visages monotones des personnages. Peu de crises émotionnelles pour la famille Byrde qui tente de conserver une dignité salvatrice malgré la transformation inévitable de leur environnement. La violence sous-jacente et insidieuse les gagne peu à peu. Alors que le quotidien de ses protagonistes devient de plus en plus absurde, la série met un point d’honneur à conserver un certain réalisme. 

Ainsi la cellule familiale, certes dysfonctionnelle, est fondamentalement reconnaissable et favorise une identification de la part du spectateur. Un caractère vraisemblable qui permet à la série de délibérément mettre en place cette lenteur, troublante dans le cadre d’une production Netflix. Cet aspect de la série va de paire avec un standard de qualité visuelle marquant. Les plans fixes, larges et géométriques régissent la vie des Byrde. La caméra les observe de loin. Instance neutre et impersonnelle, elle ne vient jamais réconforter, perturber ou presser les personnages.

Cette approche qui permet à la série d’aborder la thématique de l’anti-héros et du cartel de façon captivante présente cependant des limites. En plaçant son intrigue presque exclusivement dans les Ozarks et prônant le réalisme, les créateurs Bill Dubuque et Mark Williams limitent les éléments perturbateurs et retournements de situation. Si la première saison permet une exposition réussie des personnages et tente de se dégager de l’ombre omniprésente de Breaking Bad par le biais d’une violence moins frontale et de personnages moins exubérants, la deuxième saison souffre d’un manque d’action. L’enfermement – géographique et mental – des personnages qui avait, en premier lieu, permis une tension dramatique et psychologique, donne finalement un ton répétitif à la série. 

Bill Dubuque et Mark Williams se rattrapent avec une troisième saison mouvementée sortie ce mois-ci. Ils échangent régulièrement le bleu glacial des Ozarks contre la chaleur sanglante du Mexique. Pour la première fois, l’intrigue se divise entre deux espaces radicalement distincts. Ce changement massif, assumé pleinement à la fin de la saison, permet à l’œuvre de regagner en suspens et en intensité. Si ce choc entre la famille Byrde et des éléments extérieurs relance l’histoire de manière durable, il est aussi le fruit de rouages narratifs peu subtils. L’arrivée d’un nouveau membre de la famille jamais mentionné précédemment s’avère souvent être un outil facile pour relancer une intrigue stagnante. C’est ici le cas du frère bipolaire de Wendy Byrde qui, sous couvert de la maladie mentale, enchaîne les actions incohérentes et, quelques fois, franchement stupides. Il place alors les Byrde dans des situations inextricables et les oblige à agir de manière invraisemblable. Ozark semble avoir du mal à concilier le réalisme qui la caractérise et les ressorts narratifs, souvent improbables, propres à la fiction télévisée. Paradoxalement, cette inconstante narrative donne aux acteurs principaux (Jason Bateman, Laura Linney et Janet McTeer) une opportunité en or de prouver leurs mérites.

Marquant un net progrès par rapport à la précédente, cette troisième saison semble malgré tout faire office de transition. Ces chamboulements, plus ou moins fondés, poussent non seulement Ozark vers une fin de saison potentiellement différente, mais l’obligent aussi à se réinventer complètement. Bien exploités dans une quatrième saison, ces changements lui permettraient de s’ouvrir à de nouveaux horizons narratifs et formels. Mais délaisser pour de bon l’été grisonnant des Ozarks constitue tout de même un risque majeur : faire perdre à la série tout ce qui la définissait jusqu’à présent.

Ozark / De Bill Dubuque et Mark Williams / Avec Jason Bateman, Laura Linney, Janet McTeer, Sofia Hublitz, Skylar Gaertner, Julia Garner / Etats-Unis / 10 x 50mn / 2017-2020.

Auteur : Chloé Caye

Rédactrice en chef : cayechlo@gmail.com ; 31 rue Claude Bernard, 75005 Paris ; 0630953176

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