Lamb

Au cinéma le 29 décembre 2021

Noomi Rapace. ©2021 Koch Films

Lauréat du « prix de l’originalité » à Cannes dans la section Un Certain regard, Lamb, premier long-métrage du cinéaste islandais Valdimar Jóhannsson, n’aura pas volé sa récompense. Il aurait même mérité un prix de la bizarrerie tant il s’écarte de nos habitudes de spectateur, à l’image de Titane, par l’union des contraires, des différences de genre, de ton et de nature. Sur la Croisette en juillet, les monstres ont eu le vent en poupe et nous ont bien cahoté, parfois jusqu’à la nausée (le bébé voiture de Julia Ducournau a échoué à nous attendrir), parfois juste comme il faut. Lamb appartient à cette seconde catégorie, celle des œuvres qui suscitent un trouble bienvenu, une perplexité qui ne fait qu’affermir notre envie de cinéma.

Un couple de fermiers, Maria (Noomi Rapace) et Ingvar (Hilmir Snær Guðnason), vit isolé au cœur des montagnes islandaises. Un jour, l’une de leur brebis met au monde un agneau étrange que le couple, privé d’enfant, décide d’élever. Ce miracle, du moins tel qu’il est perçu par les deux protagonistes, constitue le nœud dramatique de Lamb, source de sa tension entre nature et culture, monde des hommes et monde animal. Nature qui a d’ailleurs la primauté dans le récit, avant même que Maria et Ingvar ne nous soient présentés. Johannsson ouvre ainsi son film par un plan-séquence qui met en scène l’immixtion de ce qui semble être une bête, dont on n’entend alors que les pas et les halètements hors-champ, au sein du foyer. Cette effraction d’une entité invisible, émanant de la nature, rattache d’emblée Lamb au récit biblique – notons que l’action commence le soir de Noël – et comme dans tout récit mythologique, il y sera question de mise à l’épreuve des hommes et de sanction divine.

Cette parenté générique aurait pu embourber le long-métrage dans une solennité pompeuse, à l’instar de Titane – encore – ou de Mother !, de Darren Aronofsky. Or il n’en est (presque) rien car Johannsson, contrairement à ses pairs, ne s’interdit pas d’instiller du comique et une distance ludique, notamment via le personnage de Pétur (Björn Hlynur Haraldsson) qui débarque en milieu de récit, se faisant le relai des spectateurs sidérés par le tableau d’une famille construisant un bonheur illusoire autour d’un enfant en tous points aberrant. Sur cet aspect, Lamb lorgne vers le conte dans sa manière d’outrepasser les règles de la vraisemblance. Et son audace se situe là, au cœur d’une disjonction constante entre croyance et incroyance du spectateur en la fiction. Ce fil ténu sur lequel nous nous aventurons définit la démarche expérimentale d’un film qui repose sur la transgression, tant sur le plan formel et narratif que dans le récit où ce sont les lois de la nature qui sont transgressées par Maria et Ingvar.

Revers prévisible de cette histoire chimérique, il est parfois difficile de s’émouvoir des situations qui nous sont présentées, bien que la mise en scène vise à rendre sensible le chagrin silencieux des personnages. Il faut aussi admettre que le réalisateur se prend un peu les pieds dans le tapis de laine lorsqu’il choisit de dévoiler la créature vengeresse. Reste ce plan final déchirant d’une Noomi Rapace seule, abattue et résignée face à l’inéluctabilité de la perte qu’elle aura désespérément tenté de conjurer.

Lamb / De Valdimar Jóhannsson / Avec Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason, Björn Hlynur Haraldsson / Islande / 1h46 / Sortie le 29 décembre 2021.

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