Titane

Au cinéma le 14 juillet 2021

Agathe Rousselle. ©Carole Bethuel

Palme d’or inattendue de la 74e édition du festival de Cannes, Titane de Julia Ducournau est sorti en salle avant qu’il ne soit adoubé par le jury présidé par Spike Lee. Long-métrage audacieux par son ambition plastique, il se limite toutefois à la stylisation de sa carrosserie.

Qui est cette jeune femme sans sourire qui assassine sans peine ceux qui se placent sur son chemin ? Regard noir et visage fermé, Alexia prépare quelque chose sans qu’on puisse tout à fait la cerner. Elle est remuée de l’intérieur, à tous les sens du terme, décidée à fuir sa vie d’alors pour suivre un dessein inconnu. Le titane du titre correspond à la matière dont est faite la plaque qu’elle s’est vue implanter dans le crâne suite à un accident de voiture étant enfant, mais il annonce aussi l’alliage qu’elle va représenter, car son personnage n’est pas construit d’un seul bloc immobile. Il se métamorphose, à la fois humain-machine, adulte-enfant et homme-femme sans frontière nette. Pour autant, que raconte-t-elle ? Elle restera surtout un média dont les sursauts de violence et le besoin à priori irrépressible de faire du mal restent inexplicables.

Avec beaucoup de style, Julia Ducournau multiplie les images choquantes paradoxalement sans conséquence, destinées à provoquer du dégout et à renouveler un imaginaire trash très référencé (Crash de David Cronenberg en premier lieu). On gardera en mémoire l’entrée dans un salon de l’auto sulfureux et une danse lascive dans une caserne qui perturbe la notion de genre. Contrairement à Grave, cependant, qui maintenait l’intérêt sur les découvertes de son héroïne à l’égard de son propre corps, Titane prend de la distance avec toute forme de profondeur psychologique voire d’incarnation pour s’en remettre à la mythologie qu’elle tente de construire, à partir du moment où Alexia rencontre un sapeur-pompier joué par Vincent Lindon. L’acteur apparaît certes comme on ne l’avait jamais vu, colosse qui se pique aux hormones et père en manque de paternité, mais les dialogues (ou plutôt le manque de dialogue) déséquilibrent cruellement la portée de l’ensemble. Si Titane contient beaucoup d’acier, il dévoile finalement très peu de chair.

Titane / De Julia Ducournau / Avec Agathe Rousselle, Vincent Lindon, Garence Marillier / France / 1h48 / Sortie le 14 juillet 2021.

5 réflexions sur « Titane »

  1. Jolie critique pour un avis parfaitement tranché que je ne partage toutefois pas. Si le film m’a laissé perplexe sur le moment, il a fini par me séduire davantage que « Grave », film intéressant mais qui restait tout de planté dans ses références jusqu’à un twist final inutile. Je trouve que Ducournau a corrigé ces défauts en laissant la parole à l’image et à la mise en scène (peu de dialogue, pas trop de psychologisation, ça me va parfaitement), en surprenant, opérant des virages successifs sans surexplication inutile, vers une destination qu’on ne devine pas forcément (de quoi va-t-elle accoucher ? Un pare-chocs ? Un levier de vitesse ? Une portière ? Un filtre à huile ?) on sent que cela l’amuse beaucoup, qu’elle laisse même parfois le film conduire, surtout sur la fin et c’est plutôt une bonne chose à mes yeux. Cela permet au discours de ne pas être asséné avec trop de sérieux. Je ne sais pas si ça valait une Palme d’or mais un prix sans aucun doute.

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