
En 1917, dans un petit village du Sénégal, Thierno (Alassane Diong), 17 ans, est recruté de force par l’armée française et envoyé sur le front du Grand Est. Son père, Bakary (Omar Sy), s’enrôle à son tour pour protéger son fils. Reconstitution historique de la Grande Guerre par un angle peu étudié du passé colonial, Tirailleurs de Mathieu Vadepied s’entoure d’une dimension mémorielle en donnant une identité à ces hommes oubliés.
La relation entre le père et le fils tisse le fil d’Ariane central et prépondérant du récit tout en évitant de se cristalliser dans une évolution stéréotypée. La guerre divise, sème la violence entre les hommes, aussi bien sur le champ de bataille qu’au sein même du régiment, et atteint parfois l’équilibre précaire du duo. L’inversion du rapport de force fait vaciller la stabilité du lien familial, contrariée par des personnages tiraillés. La figure paternelle oscille entre son affirmation et son effacement tandis que l’enfant s’émancipe de sa condition subalterne, grisé par une élévation militaire et sociale illusoire. Et parmi toutes ces exactions monstrueuses où l’humanité est poussée dans ses plus profonds retranchements, l’amour inconditionnel se déploie dans le formel, à travers la proximité et la subjectivité d’une mise en scène qui traduit l’impuissance humaine face à la détresse d’un être cher.
Cette relation aussi fragile qu’indivisible donne la principale impulsion au film au détriment d’une Histoire relayée au second plan. Trop à hauteur d’homme, le récit en oublie presque sa dimension mémorielle, se concentrant davantage sur la restitution d’une psychologie humaine que d’une reconstitution historiographique qui n’arrive que dans la dernière partie du film. Elle se retrouve néanmoins dans son autre spécificité étonnante où le français s’efface au profit du Peul, un dialecte employé en Afrique de l’Ouest. Son utilisation rappelle l’aliénation de ces hommes soumis à la puissance coloniale qui se sont retrouvés aux premières lignes d’un combat qui n’était pas vraiment le leur.
Tirailleurs est un film inégal, alourdi par un certain formalisme esthétique et narratif au service d’un devoir de mémoire aujourd’hui lourd de sens, à travers l’intemporalité du thème de l’amour entre un parent et son enfant.
Tirailleurs / de Mathieu Vadepied / avec Omar Sy, Alassane Diong, Jonas Bloquet / France, Sénégal / 1h40min / Sortie le 4 janvier 2023
Même constat en ce qui me concerne : un postulat louable, une intention intéressante (la problématique autour du soldat inconnu), mais un scénario décevant, trop centré sur les deux personnages (auxquels s’ajoute la relation père-fils du lieutenant et du général), et même assez plan-plan en son centre. Question de budget sans doute, mais pas que.
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