
Les professeurs de lettres répètent souvent qu’à la lecture d’un devoir, il est possible dès l’introduction de comprendre si le travail sera honorable. Nostalgia est la preuve qu’il ne faut pas appliquer ces principes préétablis par le corps enseignant au domaine artistique – ni même peut-être à une production écrite. Le film puise sa force dans sa maladresse et nous séduit par son enivrant second souffle. Une œuvre qui resplendit lorsqu’on la considère dans son intégralité.
Voyage, ville, hôtel, valise, montre, coffre-fort. Les premiers plans du long-métrage révèlent un personnage fortuné (Pierfrancesco Favino) au cœur d’un ailleurs menaçant. L’absence de voix-off dès l’introduction nous le confirme, Mario Martone utilise les images pour conter. Nous n’avons pas d’indication sur la destination de l’avion emprunté par Felice, notre personnage principal, quand la langue pour communiquer à bord est l’arabe. Alors que nous accompagnons la déambulation nostalgique du protagoniste dans une ville aux allures pourtant étrangères, nous peinons dans un premier temps à comprendre s’il se trouve en Afrique ou en Europe. Outre le Vésuve en toile de fond, le long-métrage, profondément représentatif des mœurs napolitaines, confirme son ancrage en Italie.
Felice retourne à Naples, après 40 ans passés au Caire. Si la ville italienne l’a vu grandir, notre personnage a besoin de temps pour s’adapter à nouveau à cet environnement qui lui est désormais étranger. Dans cette histoire nous rappelant ll ragazzo della via Gluck, l’une des chansons phares d’Adriano Celentano, les questionnements propres à toute personne ayant dû s’éloigner de chez elles sont remarquablement réunis. « Mais c’est ici mon pays » affirme tout de même Felice en arabe.
Dans l’évocation de destins croisés, c’est toute l’histoire et la culture de la ville qui sont convoquées : le partage, la bienveillance, l’importance de la religion mais également les relations de pouvoir, les clans, l’insécurité, la violence. Sur fond d’injustice et de culpabilité, entre ceux qui peuvent partir et ceux qui restent, Nostalgia nous impressionne par sa capacité à aborder tant de sujets de manière si juste.
Du sentiment d’engloutissement que peuvent parfois provoquer des retrouvailles à la sensation de profonde appartenance à une communauté, Nostalgia est un film sur le processus de réadaptation à sa propre histoire et à sa propre société. Ainsi, si certains aspects ou dialogues à la dimension didactiques semblent alourdir le récit dans une première partie, ces faiblesses s’avèrent en réalité faire la force de l’œuvre. Comme des rimes embrassantes, les images résonnent entre elles. Ces éléments participent du cheminement d’adaptation de notre protagoniste et sont nécessaires à un portrait réaliste.
Spectateurs, n’appliquez pas les concepts imaginés par vos professeurs, l’intérêt d’une œuvre pouvant parfois reposer non pas sur son efficacité, mais dans sa capacité à déjouer nos attentes. Peut-être faut-il encore laisser de la place à la surprise ?
Nostalgia / de Mario Martone / avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco di Leva / Italie / 1h57min / Sortie le 4 janvier 2023
A reblogué ceci sur AnaLise.
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