
Après un parcours décevant en festival, le troisième long-métrage de Lucile Hadzihalilovic sort en France dans moins de quinze salles. Malgré un excellent début de filmographie, il est malheureux de voir une réalisatrice aussi talentueuse boudée par les grands festivals, le public et les cinéphiles adeptes d’elevated horror. Car Earwig aurait tout à fait pu être produit ou distribué par A24 tant il est envoûtant et dans l’air du temps.
Dans une maison caustique et lugubre, Albert s’occupe de Mia, dont il est le dentiste et le tuteur. Les éléments de décor semblent tous liés à un mystérieux passé, dont on aperçoit quelques bribes au détour d’un reflet ; quel lien unit véritablement les deux personnages ? Comme dans ses deux premier films, Lucile Hadzihalilovic adopte une démarche soustractive, lente et sensorielle. Le récit, minimaliste et décontextualisé, fait le double-portrait d’une déchéance mentale et d’un amour impossible dont il ne semble émaner aucune tendresse mais seulement une détresse profonde. D’une claustrophobie étouffante, les rares plans en extérieur présentent un monde à bout de souffle et presque à l’arrêt, rappelant les univers d’Edward Hopper ou de Roy Andersson.
En plus d’être un bonbon pour l’imagination, Earwig attise les sens du spectateur à travers une mise en scène hypnotique mêlant expérimentations visuelles et sonores ; le spectateur est plongé dans une délicieuse somnolence pendant presque deux heures, à mi-chemin entre contemplation et paralysie.
Earwig / De Lucile Hadzihalilovic / Avec Paul Hilton, Romane Hemelaers, Romola Garai / France / 1h54 / Sortie le 18 janviers 2023.