
Le premier film de David Depesseville dépeint un laps de vie et un fragment d’endroit. Samuel, jeune orphelin est étranger aux paysages du Morvan et à l’enfance – avons-nous véritablement le temps de s’y habituer ? – mais tente tous deux de les comprendre, de les remanier à sa façon, pour se les approprier.
Pour ses parents adoptifs, il est une transaction commerciale. D’ailleurs, aucun des personnages adultes qui l’entourent ne se montre particulièrement plus accueillant. Il y a les choses qu’on dit devant lui, comme-ci il n’était pas là ; et les choses qu’il entend, alors qu’il ne devrait pas être là. Une inquiétude, une fébrilité deviennent alors constitutives de l’enfant : dès lors qu’il a vu, c’est à son tour d’être vu. Or Samuel ne doit pas être vu, ni entendu : son nom prononcé sonne comme une sentence. La famille renferme de tels secrets qu’un regard mal placé pourrait tout changer. Alors pour le jeune garçon c’est une fuite perpétuelle, loin des yeux, loin des mots.
Le film de David Depesseville est un conte aussi cruel que beau, dans ce qu’il raconte et dans ce qu’il montre. La poésie côtoie la saleté, le sacré frôle le répugnant. Le 16mm offre un voile doux qui ne détourne jamais de la dureté de ses images et les ellipses du montage ne marquent qu’un report, pas une absence. Astrakan est un premier film ambitieux et singulier. Un film qui baigne dans une atmosphère mystique épaisse, opaque qui nous enrobe et nous parfume encore longtemps après la fin de la projection.
Astrakan / De David Depesseville / Avec Bastien Bouillon, Jehnny Beth, Mirko Gianinni et Théo Costa-Marini / France / 1h44 / Sortie le 8 février au cinéma.