Super Mario Bros, le film

Actuellement au cinéma

© Universal Pictures

Sortie en octobre dernier, la première bande-annonce de Super Mario Bros avait séduit par son ton épique. Lorsqu’elles ne sont pas désamorcées par un humour enfantin, les scènes d’action du film sont plutôt réussies : dynamiques et bien dosées, elles convertissent intelligemment des éléments de gameplay en micro-concepts lors des affrontements. De manière générale, un véritable travail d’adaptation a été fait pour rendre cet univers vivant et foisonnant. Les clins d’œil à la franchise sont souvent bien trouvés et drôles : les niveaux classiques en 2D font office de plateforme d’entraînement pour les personnages, tandis qu’on remarque un Toad se promener avec un Cheep Cheep dans un sac plastique rempli d’eau, comme un poisson rouge. 

Pourtant, si Super Mario Bros est un produit bien poli, on a la désagréable impression de voir l’univers de Mario plaqué sur un scénario préexistant. En effet, tout ce qui ne relève pas de l’habillage s’avère déjà-vu et ennuyeux : les protagonistes losers, leurs maladresses comme moteur de l’action, la découverte d’un monde fantastique, le vilain en amoureux transit, l’utilisation de musiques préexistantes pour créer des ruptures humoristiques… Cette impression est notamment renforcée par l’ancrage réaliste du film et l’absurde décision de faire une origin-story de Mario. Ainsi, on découvre sa famille et son quotidien à Brooklyn, dans une introduction typique de dessin animé pour enfants.

Mais si l’univers de Mario est aussi fascinant, c’est parce qu’il s’affranchit de la cohérence narrative pour créer un langage purement vidéoludique : les goombas ressemblent à des tremplins, les koopas sont des tortues pour que le joueur puisse s’amuser à renvoyer leurs carapaces. Cette recherche de designs intuitifs a créé un bestiaire diversifié qui s’est étoffé au fil des années pour aboutir à un univers foutraque et loufoque. Certains jeux ont même exploré des terrains spécifiques qui se sont ensuite intégrés à la franchise par petites touches : l’horreur gothique pour Luigi’s Mansion ou encore l’espace dans Super Mario Galaxy

Injecter de la narration à ce foutoir n’est pas un mal en soi, mais lui apposer des schémas trop restrictifs canalise cette folie. Dans les jeux narratifs de la licence, Mario n’a pas de passé et ne prononce pas un mot. Ce mutisme a une valeur poétique car le héros contraste avec les autres personnages : il semble traverser les événements sans en faire vraiment partie, comme une sorte de présence métaphysique. Ici, Mario parle comme tout le monde. Il gagne en profondeur superficielle ce qu’il perd en aura.

On passe certes un bon moment devant Super Mario Bros, mais le film déçoit par son irrépressible envie de s’adapter au modèle standard du dessin animé occidental pour enfant. Pourtant, il est tout à fait possible d’exploiter une licence juteuse et de faire de fan service décomplexé sans nuire à la qualité artistique d’un tel projet : il suffit de regarder le Clone Wars de Genndy Tartakovsky pour s’en convaincre.

Super Mario Bros. le film / de Aaron Horvath et Michael Jelenic / Avec Chris Pratt, Anya Taylor-Joy, Jack Black / États-Unis, Japon / 1h32 / Sortie le 05 avril 2023.

Auteur : Corentin Brunie

Grand admirateur de Kieślowski, Tsukamoto, Bergman et Lars Von Trier, je suis à la recherche de films qui me bousculent dans mes angoisses et me sortent de ma zone de confort. Cinéphile hargneux, j’aime les débats passionnés où fusent les arguments de mauvaise foi. En parallèle de l'écriture de critiques, j’étudie le montage à l’INSAS et je réalise ou monte des courts-métrages à côté.

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