
C’est l’été. Nora a quatorze ans. Elle grandit entourée de sa sœur, Jule, protectrice, et d’une mère absente, alcoolique, au sein d’un cocon familial chaotique. Elle se cherche, regard inquiet, timide, déstabilisée par l’exposition de l’intimité propre aux réseaux sociaux, au sein de laquelle Jule excède, se filmant avec son téléphone portable sur fond de musique rebelle, embrassée par une caméra volatile, de dos ; où chacun vit en permanence sous le regard des autres, à l’affût d’images, de paroles, de conseils à enregistrer.
Elle est saisie avec une caméra portée, qui capte chacun de ses soubresauts et émotions, dans une lumière ocre et chaude qui rappelle l’effusion de l’anatomie, la naissance du désir, les sentiments exacerbés. Proche du corps de ses actrices, les enserrant dans des gros plans qui retranscrivent la brutalité du monde adolescent dans lequel évolue le petit groupe, Léonie Krippendorff capte les moments de honte, de découverte de soi, lorsqu’en plein cours de gymnastique, Nora sent pour la première fois le sang de ses règles couler et tacher son pantalon, ou quand, à la piscine, alors qu’elle joue avec l’amie de sa sœur, leur corps se frôlant et se touchant dans l’eau bleutée, encadrés par la cinéaste comme une danse amoureuse, prise d’une envie qui se doit d’être assouvie, elle se réfugie aux toilettes, glisse sa main dans sa culotte. Respiration saccadée, sourire sur ses lèvres entrouvertes.
La mise en scène possède ce quelque chose d’organique et de cru, représentant toute la tension de l’univers adolescent, qui se voit contrebalancé par une teinte plus onirique. La réalisatrice se glisse dans les rêves de l’héroïne, parfois imagés par un journal, filmé au téléphone portable, voix-off commentant, et vient boire sa vision du monde, quand les songes sont associés à l’environnement aquatique ou à l’espace naturel d’un lac. Les chenilles vertes de Nora, filmées en très gros plans, viennent assumer la teneur poétique du film. L’insecte mue pour devenir papillon, sort de sa chrysalide pour enfin s’envoler dans la chambre, transcrivant symboliquement le parcours de la jeune fille.
Car son identité sexuelle l’interroge. La jeune fille dit regarder les femmes comme le font les garçons, avec appétence, et découvre l’ivresse d’un amour tendre, sensuel, au contact de Romy, son ainée de quelques années. Se dessine alors un parcours à la fois romanesque et douloureux, où elle apprend à se former, à se défendre, à devenir celle qui crépite au fond de son ventre, son été s’estompant dans le souvenir des émois de toute une génération. Kokon est une histoire de libération, charmante et charnelle.
Kokon / De Léonie Krippendorff / Avec Lena Urzendowsky, Jella Haase, Lena Klenke / Allemagne / 1h35 / Sortie le 5 avril 2023.
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