Alma Viva

Actuellement au cinéma

© Tandem films

Salomé, neuf ans, scrute derrière la porte vitrée de la maison le rituel que sa grand-mère réalise pour accompagner le défunt qui gît à ses pieds. Déjà, les plans enserrent la fillette, dans une buée d’or, qui la fait devenir voyante, enchanteresse. Puis, c’est enroulée dans un rideau qu’elle est appelée par la vieille dame, qui allume avec elle des cigarettes afin d’apaiser le mort, et chante du bout des lèvres des prières. D’emblée s’amorce une cohabitation entre vivants et morts, réalisme et onirisme.

Le décès brutal de la grand-mère, appréhendé par sa petite-fille, deviendra le thème majeur du film, sa dépouille patientant dans le cercueil posé dans une pièce de la maison familiale, sous les regards tendres des enfants, remplis de larmes, de bienveillance mais également d’animosité : la question, touche comique dans l’atmosphère pesante, étant de savoir prix de la pierre tombale. La réalisatrice suit alors les coutumes locales subséquentes au décès – les rites, les chants, les superstitions, jusqu’à ce que le naturalisme se fissure sous une inquiétante étrangeté, amenée par une hésitation du spectateur, toute « todorovienne », qui se demande de quel côté tanguer : vers l’étrange ou le merveilleux ?

Ce qui se déroule sous ses yeux relève-t-il d’un rêve, comme l’image saisissante de Salomé se contemplant dans le miroir avec le visage de sa grand-mère, ou bien de règles surnaturelles régnant désormais sur le monde ordinaire, telles les virées nocturnes de la jeune fille paraissant possédée par un esprit vengeur, s’allongeant au fond d’un trou – la future piscine de l’oncle Joaquim – prête à être ensevelie. Sa grand-mère l’avait prédit : « tu as le corps ouvert, les démons peuvent entrer. »

Cristèle Alves Meira compose habilement ce film de possession, tendre et onirique, avec la double ambition de faire jaillir les crispations d’une famille disloquée entre le Portugal et la France, et d’appréhender l’expérience du deuil à travers le regard d’une toute jeune enfant. Alma Viva rappelle dès lors le film d’Elena Lopez Riera (El Agua, sorti le mois dernier) adoptant un matériau autobiographique, intime, des croyances populaires nimbées dans la fiction, la catastrophe naturelle à grand échelle étant cette fois le feu de forêt, qui accompagne la défunte jusqu’au cimetière, dans la  poussière et les pierres lâchées par les habitants superstitieux, jusqu’à ce que les nuages se mettent à pleurer. 

Alma Viva / De Cristèle Alves Meira / Avec Lua Michel, Ana Padrao, Jacqueline Corado / Portugal, France / 1h28/ Sortie le 12 avril 2023.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :