Brighton 4th

Au cinéma le 12 avril 2023

© ARP Sélection

Attablé dans un bar, devant un match de football, un homme s’impatiente, s’agace, jusqu’à sortir de ses gonds face à l’exultation exhibée d’un autre spectateur qui a parié gros sur le leader de la rencontre. Une colère qui n’exprime rien d’autre que la détresse et la honte d’avoir perdu bêtement l’argent de sa femme, partie vivre à New-York pour payer les travaux de leur appartement. À l’aveu de cette faute, Kakhi, son frère, répond élégamment, sans reproche, sans jugement, incarnant le sens moral, mais jamais moraliste, que porte Brighton 4th.

Alors que son fils Soso, qui a émigré aux Etats-Unis pour y suivre un cursus en médecine, semble traverser une passe difficile, Kakhi, ancien champion du monde professionnel de lutte, quitte Tbilissi pour le rejoindre. Il apprend que Soso doit une dette de jeu de 14000 dollars auprès d’un caïd du quartier de Brighton, sorte de lieu d’asile, d’espace limbique, où vivent en communauté les immigrés de l’aire post-soviétique. Peinture naturaliste et poétique d’un lieu, et de ceux qui l’habitent, personnages attachants et pathétiques agissant comme ils peuvent dans un brouillard stagnant aussi urbain qu’intime, le film est surtout le récit touchant et universel de l’amour inconditionnel d’un père pour son fils. Le récit d’un amour sacrificiel, étranger à la honte, indulgent avec le mensonge et malgré les erreurs.

On exprimera néanmoins le regret que Brighton 4th n’effleure qu’en partie ses sujets, qu’il ne les empoigne pas assez fermement, l’empêchant de facto d’en explorer tous les reliefs. De là naît pourtant son charme. Cette constance dans l’épure, mêlée de modestie narrative et réflexive, fonde une petite fable intime, humaniste et sociale qui, l’air de rien, creuse son propre sillage, au carrefour de plusieurs genres et tons, sans jamais se fixer dans une catégorie. Le cinéaste Levan Tediashvili, lui-même ex champion de lutte et interprète de son protagoniste, héros flegmatiquement superbe, par son dévouement et son stoïcisme à toute épreuve, cristallise l’essentiel de l’émotion, laquelle devine le drame profond sous-jacent : celui de l’affaissement des muscles, de l’affaiblissement du corps, du deuil de ce qu’on a été. L’autoportrait sincère, implicite et crépusculaire d’un combattant fatigué.

Brighton 4th / De Levan Tediashvili / Levan Tedaishvili, Giorgi Tabidze, Nadia Mikhalkova/ Géorgie / 1h36 / Sortie le 12 avril 2023.

Une réflexion sur « Brighton 4th »

  1. Sans oublier les chants qui unissent la polyphonie des communautés, très belle idée de la concorde et de la solidarité dans l’adversité (car ici, même les escrocs sont sans le sou).
    Très belle critique qui semble regretter, comme chez moi, le manque d’ardeur dans le développement.

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