Noémie dit oui

Actuellement au cinéma

© Wayna Pitch

Noémie dit oui s’ouvre sur une impardonnable trahison. Âgée de quinze ans, la protagoniste attend l’adoubement des juges de l’enfance, qui doivent statuer sur la capacité de sa mère à l’accueillir chez elle. Son regard est vif, impatient. Celui de la mère s’avère de plus en plus fuyant. Au dernier moment, elle décide finalement de délaisser sa fille et de la confier au centre jusqu’à sa majorité, avant de quitter l’audition. Ce n’est pas la première fois.

Puisqu’on ne lui donne pas sa liberté, elle la conquiert : Noémie fugue pour vivre chez son amie Léa à Montréal. Terrasse avec vue sur l’horizon, colocation festive et indépendance prématurée, tout respire le rêve américain. Et puis il y a Zach, ce jeune homme charmant avec qui Noémie entame une relation. Mais son aura bienveillante est un leurre. Jouant de son désir d’évasion, il pousse la jeune femme à se prostituer pendant le week-end du Grand Prix de Formule 1. Mais l’argent facile ne l’est qu’en théorie.

Le récit suit le déroulement classique d’une descente aux enfers, mais trouve son originalité dans sa densité : l’action se concentre sur trois jours qui en paraissent dix. Le montage prend le temps d’appuyer son premier rapport avec un client avant de s’accélérer peu à peu, rythmé par le vrombissement des moteurs et les ellipses. On a pourtant l’impression que le temps est toujours étendu. Le décor est presque abstrait, appuyé par des cadrages bizarres. Cette déconnexion de l’espace-temps retranscrit celle qui s’opère entre Noémie et son corps : la monétisation de l’intime implique une dissociation contre-intuitive. Le message rappelle Pleasure dans sa remise en cause de la notion de consentement libre dans le cas d’une relation monnayée. Noémie dit oui, mais elle ne consent pas, elle cède.

Le film possède néanmoins quelques maladresses dans sa volonté de délivrer un message politique choc. Les multiples viols dont l’héroïne est victime semblent hors de propos : que l’on adopte une posture abolitionniste (ce qui semble être cas de la réalisatrice, en témoigne son interview accordée au mouvement du nid) ou non, le viol et la prostitution sont deux phénomènes de société différents que l’on ne peut simplement réduire à l’exploitation des femmes. Cet ajout quelque peu outrancier vient s’opposer à la volonté claire de ne pas caricaturer la prostitution, en témoignent la banalité des clients et la conclusion optimiste qui refuse le morbide. Pourtant, de son ouverture en drame social au regard bouillonnant de son actrice principale, il y a dans Noémie dit oui une fougue contagieuse.

Noémie dit oui / De Geneviève Albert / Avec Kelly Depeault, Emi Chicoine, Myriam De Bonville / 1h53 / Québec / Sortie le 26 avril 2023.

Auteur : Corentin Brunie

Grand admirateur de Kieślowski, Tsukamoto, Bergman et Lars Von Trier, je suis à la recherche de films qui me bousculent dans mes angoisses et me sortent de ma zone de confort. Cinéphile hargneux, j’aime les débats passionnés où fusent les arguments de mauvaise foi. En parallèle de l'écriture de critiques, j’étudie le montage à l’INSAS et je réalise ou monte des courts-métrages à côté.

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