Le Principal

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Le dos droit dans son costard cravate, Sabri Lahlali (Roschdy Zem) surveille les grilles du collège. Les élèves le dépassent, ajustant leurs tenues sous son regard sévère, les professeurs se dépêchent et profitent des derniers instants de pause pour bavarder dans les couloirs. Une distance infranchissable semble séparer ce petit monde du principal-adjoint, retranché dans son bureau où il se dévoue à un seul objectif : la réussite.

Sabri n’est pas encore le principal du titre ; il y aspire et la promotion ne devrait pas tarder à arriver. Irréprochable, Sabri a passé sa vie à grimper les échelons du mérite et voit enfin le couronnement de ses efforts se profiler. Mais son frère est malade, son ex-femme enseigne dans le même collège que lui alors que tout ne va pas bien entre eux, et pire que tout, les notes de son fils baissent alors que le brevet approche. Sabri commet alors l’impensable et décide de tricher pour sauver l’avenir scolaire de son fils.

Le collège est un dédale de couloirs labyrinthiques, dans lesquels Sabri erre, toujours à l’écart, figure du gardien et de l’autorité. Du haut des escaliers, dans les coins de la cantine, depuis les fenêtres de son bureau, il conserve le contrôle de son territoire et règle les problèmes les uns après les autres sans jamais s’autoriser le moindre moment de détente. C’est derrière les portes fermées, à travers les discussions littéraires avec la principale Estelle (Yolande Moreau) qu’il peut enfin souffler un peu, redevenir humain. Alors que ces failles dans l’armure s’agrandissent, le personnage de Sabri révèle toute sa profondeur, pris entre devoir et amour, entre son objectif et sa morale.

Le spectateur est cependant mis à l’écart de ces dilemmes, aussi distant des personnages que Sabri l’est de son entourage. L’esthétique froide, lisse, empêche toute prise réelle sur ce conflit moral qui n’intervient que très tard dans le film. Les autres personnages s’effacent entièrement derrière Sabri, qui occupe presque tous les plans, et leurs actions deviennent alors dictées par un scénario classique qui cherche plus à cocher certaines cases convenues qu’à laisser ses protagonistes évoluer réellement. Le film se présente ainsi comme un thriller d’un genre nouveau, mais est saboté par la lenteur de son exposition et ses flottements trop récurrents. Comme son personnage, Le Principal semble être déchiré entre deux tendances, le drame social contemplatif et le thriller, entre lesquelles il alterne sans trouver son équilibre. C’est d’autant plus frustrant que tous les ingrédients étaient réunis pour permettre au film de se hisser au-dessus de ce scénario attendu et vers une approche plus originale. Mais Le Principal demeure malgré tout une exploration fine des mécanismes de l’administration scolaire et de la pensée de la méritocratie dans ce qu’elle a de plus pervers et destructeur : l’idéologie d’un système qui ne laisse que peu d’espoir d’un jour s’en émanciper.

Le Principal / De Chad Chenouga / Avec Roschdy Zem, Yolande Moreau, Marina Hands / France / 1h22 / Sortie le 10 mai 2023.

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