
Billy Wilder, originaire d’Allemagne, met souvent en scène un personnage américain dans un pays d’Europe. Le climat européen possède en effet la capacité de transformer ce personnage ou de lui permettre une ouverture d’esprit nouvelle. Dans La Valse de l’Empereur, Virgil Smith est un voyageur américain qui rencontre la Comtesse Johanna Augusta Franziska von Stoltzenberg-Stolzenberg en Autriche, alors que dans Avanti! c’est en Italie que Wendell Armbruster Jr. fait la connaissance de Pamela Piggott. Dans ce dernier sorti en 1972, le réalisateur propose un moment d’adaptation au personnage américain qui a souvent du mal à s’accoutumer aux moeurs européens. Ce choc culturel se retrouve dans la relation conflictuelle que les personnages possèdent que l’on retrouve aussi dans La Valse de l’Empereur, sorti auparavant en 1948. Si l’un des personnages est retissant, l’environnement joue un rôle primordial en tant que facteur de la création du couple. Qu’il s’agisse de l’île au milieu de la mer sur les côtes d’Italie ou de celle au milieu d’un lac en Autriche, ce contexte romantique est toujours en faveur de la relation naissante. Wilder propose également dans les deux cas une critique amusante de chaque pays, poussant des clichés connus de tous à leur extrême.
Cependant cette relation n’est jamais une surprise pour le spectateur car Wilder parvient à annoncer les romances de ses personnages par le biais d’une autre histoire. Ainsi dans La Valse de l’Empereur, le chien, batard et américain de Virgil va se faire mordre par celui de race pure appartenant à la comtesse. Très vite après le chien de la comtesse devient neurasthénique et le seul moyen de la soigner est de réconcilier les deux chiens, durant cette réconciliation les animaux vont cependant tomber amoureux. Le spectateur devine aisément que cette scène possède une qualité prémonitoire et que les problèmes de races qui opposent les animaux deviendront rapidement ceux de classes qui opposeront leurs deux maîtres.

Cette mise en relation du couple de chiens et de leurs maîtres permet à Wilder de mettre en exergue l’absurdité de l’aspect socio-économique du mariage, mais surtout de nous livrer une comédie tout à fait plaisante. La Valse de l’Empereur est certainement une des oeuvres les plus légères du cinéaste et ainsi peut-être moins intéressante, même si elle reste pour autant tout à fait divertissante. Au contraire, Avanti! est un film dans lequel on retrouve plus l’intérêt pour la sexualité et le ton cynique du réalisateur, ainsi que son procédé analogique de la relation des personnages. Wendell Armbruster se rend en Italie pour récupérer le corps de son père après son décès, là-bas il apprend que ce dernier est mort aux côtés d’une autre femme qu’il fréquentait depuis plusieurs années. Wendell fait alors la connaissance de la fille de la maîtresse de son père, venue elle aussi récupérer la dépouille de sa mère. Dans ce cas là, la romance des parents est encore une fois annonciatrice de celle de leurs enfants et la routine amoureuse des premiers devient peu à peu celle des nouveaux arrivants.
La musique joue aussi un rôle crucial dans ces deux histoires : La Valse de l’Empereur est une comédie musicale, même si les numéros musicaux (composés d’anciens morceaux pré-existants) sont réduits au nombre de trois, ce qui nous permet d’effectuer une comparaison avec l’usage de la musique dans Avanti!, composée par Carlo Rustichelli. La musique dans ces deux oeuvres possède un pouvoir important car elle révèle les sentiments que les personnages tentent de réprimer. Ainsi dans La Valse de l’Empereur, c’est lorsque que le personnage (interprété par l’un des plus grands crooners américains, Bing Crosby) se met à chanter que la comtesse (La sublime Joan Fontaine) ne peut lui résister. Tandi que dans Avanti! c’est la musique préférée de leurs parents, jouée à plusieurs reprises, qui permet au personnage (L’irremplaçable Jack Lemmon) de réaliser l’attirance qu’il possède pour celle qu’il méprisait d’abord (la sentimentale Juliet Mills).
C’est bien là ce qui semble intéresser Wilder : en annonçant de manière évidente la future relation, il attire l’attention du spectateur, non sur l’achèvement de celle-ci, mais sur la manière dont les personnages l’acceptent peu à peu.
La Valse de l’Empereur / De Billy Wilder / Avec Bing Crosby, Joan Fontaine / Etats-Unis / 1h46 / 1948.
Avanti ! / De Billy Wilder / Avec Jack Lemmon, Clive Revill, Juliet Mills / Etats-Unis / 2h24 / 1972.