Rencontre avec : Alain Guiraudie

© France Télévision

Alain Guiraudie déboule sur la scène du cinéma français au début des années 2000. À travers une exploration pittoresque du territoire français, il nous propose des personnages aussi touchants qu’inquiétants. Le cinéaste provoque visions mystiques et rires francs avec la même impudence. Son nouveau long-métrage Viens je t’emmène sort ce mercredi au cinéma.

Quel était le point de départ de Viens je t’emmène ? Était-ce plutôt les attentats ou cette notion de vivre-ensemble ? 

Alors ça, ça m’est toujours dur d’y répondre… Pourtant, la question revient beaucoup ! Je pense que je voulais faire un film sur l’époque. On ne peut pas dire que mes films soient d’une actualité brûlante donc là, je m’étais dit qu’il fallait en parler. Je pense aussi que les attentats ont été un gros traumatisme et je me demande toujours pourquoi on arrive pas à en parler, de ces traumatismes. Pourquoi on a mis tant de temps à parler du sida, par exemple ? Moi le premier, d’ailleurs. Je n’ai jamais vraiment traité le sujet, je l’ai évoqué. Les attentats, depuis New York en 2001, ce sont aussi des événements qui impriment nos vies. Tout comme la réduction des libertés qu’ils entrainent… C’était important d’en parler mais pas que de ça. De toute façon, je ne sais pas prendre un sujet et le traiter, ça ne m’intéresse pas vraiment. L’idée était de parler de l’époque, avec mon regard à moi, un peu singulier.

Il est en effet difficile de rattacher vos films à un genre précis. On aurait du mal à les définir exclusivement comme des comédies, des films à enquête ou encore comme des satires sociales. Comment l’expliquez-vous ? 

Je pense que j’ai toujours hésité. Depuis que j’ai commencé à avoir l’idée de faire du cinéma, j’ai toujours hésité entre faire des films sociaux ou politiques. Le cinéma politique m’a toujours intéressé, ainsi que les comédies ou les films fantaisistes… Dans mes goûts, quand j’étais jeune adolescent, il y avait Yves Boisset ou Costa-Gavras d’un côté et Luis Buñuel et David Lynch de l’autre. Luis Buñuel était un vrai exemple pour moi, dans le sens où il arrivait à relayer du social, une forte teneur politique avec quelque chose de l’ordre du surréalisme, de la fantaisie et de la joyeuse déconnade aussi ! Je pense que c’est ça qui m’a conduit à ce mélange. Très tôt je me suis dit : « il me faut de l’air, il me faut un ailleurs, il me faut un cinéma qui me laisse entrevoir un peu plus que juste une réalité sociale ». Notre petit quotidien, c’est assez chiant ! J’ai envie d’être sérieux, j’ai envie de me marrer : j’ai envie des deux.

Cela prend parfois une forme ludique, presque comme un conte.

Oui, il faut s’amuser. Vous savez, normalement, il y a des séquences obligatoires pour qu’on comprenne la chose. Mais j’essaie de m’en passer. Car je me suis toujours dit que si des séquences qui m’emmerdaient, je ne les écrirais pas.

Une chose dont vous semblez ne pas pouvoir vous passer c’est le territoire. Il occupe une place centrale dans votre cinéma : Pas de repos pour les braves dans le sud-ouest, Albi avec Le roi de l’évasion ou le Cap d’Agde pour L’inconnu du lac, et Rester vertical en Lozère. Là nous sommes à Clermont-Ferrand, pourquoi avoir choisi cette ville ? 

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Blue Jasmine

Rétrospective Cate Blanchett

Cate Blanchett dans Blue Jasmine © Warner Bros. Pictures – 2013

Le souffle court, les traits tirés, le regard mouillé de nostalgie : Cate Blanchett excelle en Blue Jasmine, qui demeure encore à ce jour le dernier grand film de Woody Allen.

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Les épopées de Michael Curtiz et Errol Flynn: Capitaine Blood et Les Aventures de Robin des bois

Rétrospective Michael Curtiz / Analyse

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Errol Flynn dans Les aventures de Robin des bois © Warner Bros 1938

Porter des collants verts moulants en conservant un semblant de dignité n’est pas donné à tout le monde. Errol Flynn atteint l’apogée de son succès lorsqu’il interprète le héros éponyme dans Les Aventures de Robin des bois en 1938. Sa carrière hollywoodienne n’avait pourtant démarré que quelques années plus tôt : en 1935 le jeune acteur australien joue un corps inerte dans The Case of the Curious Bride, réalisé par un certain Michael Curtiz. 

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Jeremy Irons et les drames romantiques : Fatale et Lolita

Rétrospective Jeremy Irons / Analyse

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Jeremy Irons (Humbert Humbert) et Dominique Swain (Lolita) © Pathé films, Samuel Goldwyn Company

Dans Fatale Jeremy Irons incarne Stephen Fleming, un politicien britannique aisé dont la vie professionnelle et familiale frôle la perfection. Cette sérénité est brusquement troublée lorsque Stephen entame une aventure avec la fiancée de son fils. Quelques années plus tard, l’acteur britannique reprendra un rôle similaire en incarnant Humbert Humbert, le célèbre protagoniste du roman Lolita.

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Le Marchand de Venise

Rétrospective Jeremy Irons

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© UK Film Council / Sony

C’est au Bristol Old Vic que Jeremy Irons suit une formation de théâtre classique avant de faire ses débuts professionnels sur scène en 1969 puis au cinéma en 1980. Durant ces vingt premières années il collabore notamment trois fois avec la célèbre Royal Shakespeare Company. C’est donc sans grande surprise qu’on le voit tenir le rôle d’Antonio, aux cotés de – plus inhabituel – Al Pacino, dans l’adaptation du Marchand de Venise de William Shakespeare par Michael Radford en 2004.

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Beau-père

Rétrospective Patrick Dewaere

 

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Patrick Dewaere (Rémi) et Ariel Besse (Marion) © A2 / Sara Films

Beau-père fait partie de ces films qu’il serait impossible de réaliser aujourd’hui : Rémi, un pianiste de club se rêvant grand musicien, voit les attentions de sa femme s’estomper de jour en jour. Lorsque celle-ci est victime d’un accident de voiture, il se retrouve seul avec sa belle fille de quatorze ans, folle amoureuse de lui. 

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Stalag 17

Rétrospective Billy Wilder

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William Holden, oscarisé pour son rôle dans Stalag 17

1944. Deux prisonniers du Stalag 17, un camp allemand, ont tout prévu pour s’évader, avec le soutien de leurs camarades de baraque. Le tunnel est creusé, l’entrée soigneusement camouflée sous un poêle. L’itinéraire est calculé pour éviter les gardes et leurs projecteurs. L’instant venu, les deux hommes s’engouffrent. Mais quand vient le moment de respirer l’air libre, trois soldats allemands les attendent et les fusillent. Comment pouvaient-ils être au courant ? Il y a forcément un traître dans la baraque… Ainsi commence Stalag 17, un film trop méconnu – à tort – réalisé par Billy Wilder en 1953 suite à l’échec commercial du Gouffre aux chimères. Une voix off annonce en ouverture, avec ironie et désenchantement, en avoir assez des films de guerre traditionnels, spectaculaires et sensationnels. Il est en effet tout le contraire, et prend un parti inédit : c’est un film d’évasion, dans le veine de ceux de Jean Renoir, doublé d’une intrigue d’espionnage, qui reste jusqu’au bout une comédie. Cynique, bien entendu.

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L’Odyssée de Charles Lindbergh

Rétrospective Billy Wilder

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James Stewart dans le cockpit du Spirit of St. Louis

Le 21 mai 1927, Charles Lindbergh devient le premier pilote à relier New York à Paris sans escale et en solitaire, en l’espace de 33 heures, à bord de son avion The Spirit of Saint Louis. Avec un cahier des charges contraignant – ne mettre en scène que le vol transatlantique lui-même et s’en tenir au livre de Lindbergh -, Billy Wilder réalise un film d’aventures aériennes captivant, avec James Stewart dans le rôle de l’aviateur.

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Le Poison

Rétrospective Billy Wilder / Palme d’or

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Ray Milland (Don Burnham) et Howard Da Silva (Nat, le barman) © Paramount Pictures

Tourné en 1945, Le Poison reste probablement l’une des œuvres les plus sombres de Billy Wilder. Le cinéaste, connu pour son approche sarcastique, s’attaque ici, sans une pointe d’humour, à la question de l’alcoolisme.

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Les romances croisées de Billy Wilder : La Valse de l’Empereur et Avanti!

Rétrospective Billy Wilder / Analyse

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Juliet Mills (Pamela Piggott) et Jack Lemmon (Wendell Armbruster Jr.) © United Artists

Billy Wilder, originaire d’Allemagne, met souvent en scène un personnage américain dans un pays d’Europe. Le climat européen possède en effet la capacité de transformer ce personnage ou de lui permettre une ouverture d’esprit nouvelle. Dans La Valse de l’Empereur, Virgil Smith est un voyageur américain qui rencontre la Comtesse Johanna Augusta Franziska von Stoltzenberg-Stolzenberg en Autriche, alors que dans Avanti! c’est en Italie que Wendell Armbruster Jr. fait la connaissance de Pamela Piggott. Dans ce dernier sorti en 1972, le réalisateur propose un moment d’adaptation au personnage américain qui a souvent du mal à s’accoutumer aux moeurs européens. Ce choc culturel se retrouve dans la relation conflictuelle que les personnages possèdent que l’on retrouve aussi dans La Valse de l’Empereur, sorti auparavant en 1948. Si l’un des personnages est retissant, l’environnement joue un rôle primordial en tant que facteur de la création du couple. Qu’il s’agisse de l’île au milieu de la mer sur les côtes d’Italie ou de celle au milieu d’un lac en Autriche, ce contexte romantique est toujours en faveur de la relation naissante. Wilder propose également dans les deux cas une critique amusante de chaque pays, poussant des clichés connus de tous à leur extrême.

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