
Le 21 mai 1927, Charles Lindbergh devient le premier pilote à relier New York à Paris sans escale et en solitaire, en l’espace de 33 heures, à bord de son avion The Spirit of Saint Louis. Avec un cahier des charges contraignant – ne mettre en scène que le vol transatlantique lui-même et s’en tenir au livre de Lindbergh -, Billy Wilder réalise un film d’aventures aériennes captivant, avec James Stewart dans le rôle de l’aviateur.
C’est une foi dans le progrès technique et dans l’exploit humain qui se joue en premier lieu. Quand on lui demande s’il prie, Charles Lindbergh répond « pas besoin, je sais atterrir ». Le projet de vol New York-Paris devient une épreuve de réalisme, chère à l’esprit américain, et le pilote, pour qui l’échec n’est pas une option, incarne l’idéaliste décidé à atteindre coûte que coûte l’objectif qu’il s’est fixé. Mais comment faire un film de plus de deux heures, qui se passe essentiellement dans un cockpit ?
Tout commence par des tourments. Charles Lindbergh attend, dans son lit. Il ne trouve pas le sommeil, à quelques heures de son vol qui révolutionna entre autres le monde des transports. On suit ses angoisses, comme s’il s’agissait d’un reportage dans ses pensées. Quand viennent les moments de vol, très réussis, occupant une grande partie du temps dans l’espace réduit du cockpit, une véritable intimité entre le héros et le spectateur est installée. Le récit de la traversée est entrecoupé par des flashbacks sur des événements de la vie de Lindbergh – quelques étapes de sa carrière forcément réductrices, car la famille de Lindbergh n’est jamais mentionnée, encore moins son antisémitisme ou le kidnapping de son fils, pourtant une forte matière à récit, qui sera évoqué dans des films ultérieurs de Lee Tamahori (Le Masque de l’araignée, 2001) et Clint Eastwood (J. Edgar, 2011). Mais L’Odyssée de Charles Lindbergh n’est surtout pas un biopic, il est axé sur un exploit solitaire exaltant l’héroïsme. Billy Wilder n’a sans doute pas réalisé le film qu’il voulait, son travail étant largement supervisé par l’aviateur. Toujours est-il que le spectacle est assuré – notamment par cette scène de décollage sur une piste pleine de boue, alternant vue subjective, regard du public et plans sur l’avion. Le film ne tombe jamais dans l’hagiographique, et le ton est très plaisant, en partie grâce à James Stewart, qui apporte au personnage une assurance et un humour parfaitement dosés. L’acteur savait de quoi il parlait, puisqu’il a été lui-même pilote pendant la Seconde guerre mondiale.
L’humour est aussi présent par le biais des personnages secondaires, comme sait si bien les dessiner Billy Wilder. Même dans un film peu personnel, on retrouve des personnages décalés et propres à son univers : un représentant en bretelles, un ingénieur qui fait un barbecue de poisson dans l’usine. Une autre idée formidable : une mouche fait partie du voyage de Lindbergh, lui sert de copilote et l’empêche de s’endormir. Elle lui permet de se poser cette question existentielle : une mouche qui vole dans un cockpit représente-t-elle un surpoids ?
L’Odyssée de Charles Lindbergh (The Spirit of Saint Louis) / De Billy Wilder / Avec James Stewart, Murray Hamilton / Etats-Unis / 2h15 / 1957.