
1944. Deux prisonniers du Stalag 17, un camp allemand, ont tout prévu pour s’évader, avec le soutien de leurs camarades de baraque. Le tunnel est creusé, l’entrée soigneusement camouflée sous un poêle. L’itinéraire est calculé pour éviter les gardes et leurs projecteurs. L’instant venu, les deux hommes s’engouffrent. Mais quand vient le moment de respirer l’air libre, trois soldats allemands les attendent et les fusillent. Comment pouvaient-ils être au courant ? Il y a forcément un traître dans la baraque… Ainsi commence Stalag 17, un film trop méconnu – à tort – réalisé par Billy Wilder en 1953 suite à l’échec commercial du Gouffre aux chimères. Une voix off annonce en ouverture, avec ironie et désenchantement, en avoir assez des films de guerre traditionnels, spectaculaires et sensationnels. Il est en effet tout le contraire, et prend un parti inédit : c’est un film d’évasion, dans le veine de ceux de Jean Renoir, doublé d’une intrigue d’espionnage, qui reste jusqu’au bout une comédie. Cynique, bien entendu.
Qui d’autre que Billy Wilder pour parvenir à faire rire avec un film se passant dans un camp de prisonniers durant la Seconde Guerre mondiale ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, Stalag 17 réserve bien des moments de pure comédie. Le décor ne laissait pourtant rien présager de l’absurde de situation qui parcourt le film. Les personnages portent en eux certains tics de comédie, du facteur et son gimmick de parole (doublé en français par Louis de Funès) au duo comique composé par Robert Strauss (le concierge de Sept ans de réflexion) et Harvey Lembeck. L’idée géniale est surtout de traiter par moments le camp de prisonniers comme un camp de vacances : on y joue au volleyball, un inspecteur vient demander aux prisonniers s’ils ont des réclamations à faire, tandis que l’un des prisonniers reçoit une lettre de sa mère, heureuse d’apprendre que son fils joue au tennis et rassurée de le savoir en sécurité (« je préfère te savoir là-bas, car ici nous sommes rationnés »). Un bel exemple d’humour intelligent qui, à l’évidence, renforce la portée du film.
Car au sein des moments de franche camaraderie, où l’on entonne en choeur When Johnny Comes Marching Home, cet air fameux datant de la guerre de Sécession, la traîtrise n’est jamais loin. Elle menace. Elle s’insinue au coeur même des relations humaines, dans les veines de la solidarité. Et les lucides sont cupides. Tout accuse le Sergent Sefton, interprété par William Holden (qui remporta son seul Oscar du meilleur acteur). La psychologie de son personnage, élaborée avec beaucoup de précision, résulte de la liberté prise par Billy Wilder vis-à-vis de la pièce de Broadway dont le scénario est adapté. Il est un homme pour qui tout se marchande, n’hésitant pas à parier sur le sort des gens sans se soucier de la morale. Même dans son geste ultime, le personnage est intéressé. Dans ce microcosme que constitue la baraque du camp, la liberté et l’entraide resteront motivées par le profit.
Stalag 17 / De Billy Wilder / Avec William Holden, Don Taylor, Otto Preminger / Etats-Unis / 2h / 1953.
J ai adoré ce film et je ne suis pas sûre d y avoir vu tous ces details alors merci pour cette analyse
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