
Le cinéaste Sergey Dvortsevoy est parti d’un fait réel terrifiant : 248 nouveaux-nés ont été abandonnés par leurs mères en 2010, venues du Kirghizistan pour accoucher à Moscou. C’est le sort de l’héroïne de ce film qui porte son nom, Ayka, que l’on suit dans un calvaire d’une rare violence, à la fois sociale et physique. Dans lequel une respiration équivaut à un cri de douleur, sans jamais être une capitulation.
Ayka nourrit le rêve d’ouvrir un salon de couture, mais l’heure n’est pas aux projets d’avenir : il faut déjà s’occuper du présent. Elle vient d’accoucher, il y a quelques heures, et elle s’enfuit de la maternité en y laissant son enfant. Dans la neige, ensanglantée, elle retourne travailler mais son patron part sans rémunérer ses employés… S’ensuit alors une marche laborieuse, une quête étouffante dans le but de trouver un travail et de payer des dettes. Dans un monde où la fraternité est mise de côté, la vie d’Ayka, sans papiers, est une épreuve solitaire. Lorsqu’elle demande au vétérinaire qui l’emploie s’il pourrait lui prêter de l’argent, celui-ci répond : « et pourquoi pas vous adopter ? ». C’est glaçant. Le réalisme du film est proche de celui des frères Dardenne. La caméra, très présente, ne lâche pas cette femme qui se bat contre les événements, entraînant dans sa tourmente le spectateur, convoqué dans sa douleur. Le talent de l’actrice Samal Yeslyamova, qui avait déjà travaillé avec le réalisateur sur son précédent long-métrage Tulpan (2008), lui a valu le prix d’interprétation féminine au dernier festival de Cannes. Elle symbolise la situation grandement précaire des évincés de la société. Ayka, c’est le combat d’un corps souffrant. À vif.
Ayka / De Sergey Dvortsevoy / Avec Samal Yeslyamova, Sergey Mazur / Kazakhstan / 1h54 / Sortie le 16 janvier 2019.
Merci de m avoir donné envie,l’article exprime toute la violence et l’ horreur du film,vraiment très interressant
J’aimeAimé par 1 personne