Été 85

Au cinéma le 14 juillet 2020

Benjamin Voisin et Félix Lefebvre © Jean-Claude Moireau – 2020 – Mandarin Productions – Foz – France 2 Cinéma – Playtime Productions – Scope Pictures

Deux ans après le traumatique et poignant Grâce à Dieu, le touche-à-tout François Ozon s’offre une parenthèse ensoleillée avec Eté 85. Une initiation sentimentale touchante et enlevée, hélas plombée par une deuxième partie nettement plus fragile.

François Ozon fait sans conteste partie de ces cinéastes qui cultivent, au fil de leur carrière, un caractère insaisissable. Faisant fi des attentes, le réalisateur prend depuis ses débuts un malin plaisir à mélanger les genres et les styles, passant sans effort de la comédie gore et absurde (Sitcom) au huis-clos mêlant théâtre de boulevard et culture yéyé (Huit Femmes) en passant par le drame érotique (Jeune & Jolie) et la tragédie sociale (Grâce à Dieu). Si le cinéaste a connu quelques déconvenues, sa carrière prolifique témoigne néanmoins d’un appétit créatif insatiable autant que d’une efficacité qui le rapprochent d’un certain cinéma américain. Une efficacité dont son dernier long-métrage ne manque d’ailleurs pas, dans son premier acte du moins.

Durant l’été 1985, au Tréport, une petite station balnéaire normande pleine de charme, le timide Alexis est sauvé de la noyade par le fringuant et ténébreux David, un jeune éphèbe qui croque la vie à pleines dents depuis la mort de son père. Les deux amis deviennent vite amants et entament une relation passionnée, entre moments de grâce et déchirements cruels. Adapté du livre La Danse du Coucou d’Aidan Chambers, qu’Ozon considère comme l’un des fondements de son parcours artistique, le film porte indéniablement la marque de son auteur. S’articulant en deux parties qui s’entrecroisent sans cesse (le temps présent et son atmosphère froide de faits divers d’un côté ; le temps passé et ses flashbacks morcelés de l’autre), Eté 85 fait preuve dès ses premières minutes d’un savoir-faire édifiant, tant dans la mise en place de ses enjeux que dans la recréation soignée d’une époque fiévreuse et complexe – le film se déroule quelques années à peine après la découverte du SIDA.

Il faut saluer la démarche salvatrice d’Ozon qui se refuse ici à adopter l’imagerie néon-flashy qui pullule partout depuis que le style eighties a redéfini la mode actuelle. Si le film s’octroie quelques écarts attendus (cf. une scène en boîte de nuit qui cristallise la dimension la plus érotique du film), le tout est traité avec suffisamment de soin pour accrocher la rétine, d’autant plus qu’Ozon fait ailleurs preuve d’une grande sobriété dans la mise en images des premiers émois de son personnage. Touchants, explosifs, impétueux, Félix Lefebvre et Benjamin Voisin habitent le film avec une rage de vivre communicative, et l’osmose de leur duo confirme le talent d’Ozon à tirer le meilleur de ses castings.

Hélas, le film peine à conserver cette insouciance sur la durée, et lorsque les souvenirs narrés par Alexis touchent à leur fin, Eté 85 prend un virage sombre empesé et maladroit. Dans sa mise en scène du quotidien monotone et dépressif d’Alexis, pris au cœur d’une violente crise existentielle, le film s’encombre d’un esprit de sérieux qui le prive de toute fraîcheur, le ramenant même par instants sur les berges de la mauvaise télévision. Il faut croire que l’exercice d’équilibriste auquel se livre Ozon dessert finalement cette touchante histoire de premières fois, qui contentera sûrement les aficionados du cinéaste mais reste en définitive une étape mineure de sa carrière.

Été 85 / De François Ozon / Avec Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge, Valeria Bruni Tedeschi, Isabelle Nanty / France / 1h40 / Sortie le 14 juillet 2020.

5 réflexions sur « Été 85 »

  1. « l’imagerie néon-flashy qui pullule partout depuis que le style eighties a redéfini la mode actuelle » ah ça c’est bien vrai, on saura gré à M. Ozon de ne pas tomber dans ce travers. Visuellement, son film tient plutôt bien la barre (de la Calypso) et ce Benjamin Voisin fait des étincelles. Pour le reste, en effet, un Ozon en mode mineur à mes yeux également : première partie plaisante mais convenue, seconde partie nettement moins convaincante car on peine à partager la douleur du jeune homme.
    Parfois les romans de jeunesse devraient rester projet inachevé.

    Aimé par 1 personne

  2. Oui, cela reste un bon « Ozon », même si je regrette 2 faiblesses :
    1) Le film est gravement endommagé par certains seconds rôles: Valeria Bruni Tedeschi surtout, dont l’interprétation sonne faux, et l’anglaise qui fait un peu « cliché » avec son accent très marqué.
    2) Les flashbacks (ou plutôt flashforwards – sauts en avant) gâchent un peu le suspense (dès les premières images, on sait comment toute cette histoire va se terminer) et interrompent régulièrement et brutalement l’histoire racontée (ils nuisent à la fluidité du récit).

    Aimé par 1 personne

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