
Michael est un quarantenaire intrinsèquement égoïste et aigri. Il aliène rapidement et efficacement tous ceux qui l’entourent. Notamment Kyle, son meilleur ami.
Une amitié est mise à rude épreuve dans le premier long-métrage de Michael Angelo Covino. Ces liens masculins qui pâtissent d’un manque de communication et d’une peur bleue de la vulnérabilité sont décortiqués dans différentes scènettes. Une randonnée à vélo, un Noël en famille, un enterrement, un mariage ou un séjour au ski : le cinéaste travaille les deux personnages au corps, les forçant dans leur retranchements physiques et mentaux. Il crée un nuancier de paysages et de troubles amicaux, confrontant réactions et évolutions dans un schéma narratif indéfiniment courbé.
Le film indépendant américain rappelle celui de Jim Cummings Thunder Road, sorti quelques années plus tôt. Par son passage du court-métrage au long, son ton tragi-comique et son esthétique similaires, mais aussi ce protagoniste aux antipodes des standards de virilité masculins et américains. Le réalisateur joue avec finesse sur le malaise que son personnage provoque. Ce dernier fait l’objet d’une pitié attendrissante. Un attachement qui surprend tellement il se révèle être un anti-héros détestable. Loin du bad boy en quête de rédemption, Michael est en chute libre. Il agace autant qu’il captive. Incarné avec une désinvolture crispante, il est filmé avec une exigence constante. Si bien qu’il fait douter le spectateur de son propre jugement à son égard. Il l’amuse et le choque dans des plans séquences qui imposent une proximité longue et éprouvante.
Michael Angelo Covino associe néanmoins ces moments de gêne à des séquences musicales légères. Presque chaque chapitre est conclu par un passage de chant ou de danse, aérant le récit et faisant office de transition. Une trouvaille esthétique et narrative qui vient renforcer l’intensité théâtrale du film. Ce jeu de mise en scène, à tour de rôle kitsch ou absurde, se place immédiatement en opposition avec le réalisme du reste de l’œuvre. Il lui donne avec humour l’apparence d’une expérience sociale mélo-dramatique. Et si le film reste essentiellement imprévisible, cette répétition participe à une construction très cyclique : à chaque séquence son lieu et son ambiance musicale. Au sein même des chapitres, à ski ou à vélo, une même trajectoire sinueuse.
Avec The Climb, Michael Angelo Covino donne vie à une bromance torturée et une épopée comique. Une ode à l’amitié sans filtre : aussi toxique que prometteuse, nécessaire et nécessiteuse. Celle qui – pour poursuivre la métaphore sportive que le film met en place – doit faire preuve d’endurance dans les pentes ardues et de contrôle dans les descentes. Une amitié inévitablement et perpétuellement vouée à se détruire pour se reconstruire.
The Climb / De Michael Angelo Covino / Avec Michael Angelo Covino et Kyle Marvin / Etats-Unis / 1h38 / Sortie le 29 juillet 2020.