
Sweat expose le spectacle de l’ineptie moderne. Au sein de ce théâtre, Sylwia, une influenceuse fitness, joue le rôle principal. Dans les coulisses, elle s’échauffe, se maquille et s’examine une dernière fois avant de monter sur les planches – en plastique – d’un centre commercial. La musique va crescendo et les rideaux sur la consommation de la beauté et du bien-être s’ouvrent. Que le spectacle commence !
Si tout sourit à Sylwia (et si elle sourit à tous), les seules crampes de cette jeune coach sont celles que lui provoque la tenue de son téléphone en position de selfie. Adulée par 600 000 abonnés virtuels et rêvant au prince charmant, elle est bien seule derrière ses écrans, unique source de lumière dans la pénombre de son appartement. Alors qu’elle expose sa tristesse et son désir d’un partenaire amoureux sur les réseaux sociaux, Sylwia découvre l’existence d’un « stalker », un homme qui l’observe derrière la vitre de sa voiture. Contrainte physiquement à une situation des plus banales lorsqu’elle est virtuelle, l’évènement occupe toutes les pensées de la jeune femme qui prend goût à cette place de victime protégée.
La première séquence du film met en exergue ce tout plastique qui emballe le monde : le matériel comme le charnel et le moral. Sylwia cherche d’ailleurs à s’extirper de cette matière présente à outrance dans notre quotidien. Elle refuse de faire la promotion d’une marque de nourriture utilisant du plastique pour le conditionnement de ses produits car elle sait que la substance est nocive pour sa santé comme pour l’environnement. Mais tout laisser reposer sur la plastique, la beauté physique, ne comporte-t-il pas autant d’effets néfastes, alors que les relations entre les individus tendent elles aussi, dans leur forme comme dans leur contenu, à devenir factices ?
« Tu ressembles à une statue » remarque l’un des membres de la famille de Sylwia, alors qu’elle montre la captation vidéo de l’une de ses séance de sport. La moulure du plastique se rigidifie et dans la capacité qu’ont les écrans à figer sans plus laisser la possibilité d’évoluer, à l’image d’une statue, Sylwia devient insensible et froide. En sculptant son corps, elle perd son humanité. Rechercher la beauté des formes à tout prix rend aussi malléable que le plastique avant que tout ne se fige. Sylwia s’en rend compte à temps : elle ne souhaite pas prendre la forme qu’on désire lui donner et refuse la mise en scène devenue la norme du spectacle d’un bonheur factice.
Si le monde de l’influence et des réseaux sociaux inspire beaucoup les cinéastes suédois, Sweat, en sélection officielle du Festival de Cannes 2020, n’avait pas reçu la palme. Le film dépeint avec justesse la réalité d’un monde virtuel qui tend à prendre le dessus. On reproche cependant à Magnus Von Horn la faiblesse de son scénario, alors que l’entièreté du récit repose sur la quête amoureuse de Sylwia et sur cet homme qui la suit. On aurait aimé que le film pousse la protagoniste à bout, quand le dénouement, à l’image du sujet traité, reste assez superficiel.
Sweat / De Magnus Von Horn / avec Magdalena Kolesnik, Julian Swiezewski, Aleksandra Konieczna / Suède / 1h46 / Sortie le 15 juin 2022
A reblogué ceci sur AnaLise.
J’aimeJ’aime