
Treize ans après son adaptation de Gatsby le Magnifique, Baz Luhrmann revient avec Elvis, biopic sur l’icône du rock’n’roll. Soit plus de deux heures et demie de paillettes et d’outrance, un distillat de l’esthétique Luhrmann dont on se délecte ou que l’on déteste.
On sait la propension du réalisateur à l’esthétisation, on reconnaît cet amour de la pop et cette volonté d’un syncrétisme entre culture populaire et culture “savante”. Depuis ses débuts, Luhrmann semble ainsi poursuivre ce but, faire de ses films les catalyseurs d’une réaction explosive qui mêlerait classicisme et exubérance : une relecture augmentée, très baroque, de récits classiques (Gatsby, Roméo et Juliette, La Dame aux camélias…). Un lien essentiel de la filmographie du cinéaste est sans doute sa musicalité, qu’il s’agisse de comédies musicales ou non, tous ses films se rapportent d’une façon ou d’une autre à la musique. Premièrement, par un certain sens du rythme, de la pulsation, de la frénésie musicale, et évidemment par leur bandes sons toujours très chargées à la couleur toute particulière… Celle d’une pop music, de toutes époques (souvent montée en anachronisme, stylème essentiel de l’esthétique Luhrmann), celle qui par un processus inconscient nous fait à tous secouer la tête, remuer le bassin ou taper du pied. Quoi de plus logique donc pour le cinéaste que de s’attaquer à celui qui restera à jamais l’icône d’un mouvement qui fera de la pop music la reine des charts internationaux, the King of Rock’n’Roll, l’homme aux strasses et aux cheveux gominés : Elvis Presley.
Le film a tout d’Elvis, un rythme effréné, une surenchère constante d’effets, de show, de mouvement, du faste, du tragique, du sex appeal… et une certaine durée ! Luhrmann trouve là un terrain de jeu, un vivier d’expérimentation qu’il compte bien nous exposer : ses milles et une façons de filmer la même façade, celle de l’International Hôtel, dans un tournoiement de caméra constant. Cette caméra en perpétuel mouvement, il choisit d’en faire son liant, c’est à travers elle que nous passons de chanson en chanson, d’événement en événement, de concert en concert, tous plus spectaculaires les uns que les autres. C’est ainsi qu’il nous expose la vie de la star, une suite de détonations, tantôt sombres, joyeuses, comiques ou tragiques… Le tout avec la réelle intention (parfois maladroite) d’ancrer Elvis dans son époque, de resituer ce qu’il a pu être, et ce qu’il est encore pour certain : une révolution, celle de la subversion admise mais aussi celle d’une fusion entre les cultures WASP et afro-américaine (là aussi subversion qui finira par se faire admettre). Le tout servi par le déhanché d’Austin Butler imitant à la perfection celui du King et par l’accent sudiste d’un Tom Hanks colonel magouilleur.
Un film à l’allure d’un clip de deux heures quarante, démesuré, kitsch avant l’heure, artificiel au possible, dans lequel la musique d’Elvis se mêle au hip hop, au gospel, au blues… Un spectacle flamboyant pour certains, une surenchère d’effets épuisante pour d’autres. Elvis Presley en somme ?
Elvis / De Baz Luhrmann / Avec Austin Butler et Tom Hanks / États-Unis / 2h39 / Sortie le 22 juin 2022.